Fondateur de la Communauté Sant’Egidio, Andrea Riccardi, en historien spécialiste du christianisme et des religions à l’époque contemporaine, et en européen convaincu, nous livre une analyse de la situation actuelle de l’Église dans le monde, et plus particulièrement en Europe, la France et l’Italie étant largement commentées. La cathédrale Notre-Dame de Paris en flammes, interprétée souvent comme symbole de la tourmente de l’Église, lui donne de situer sa réflexion autour de l’axe crise-avenir du christianisme.

L’auteur croit au rôle que le vieux continent est encore appelé à tenir dans l’Église s’il ne campe pas sur des positions stériles mais accepte l’altérité et la capacité de s’ouvrir à l’intégration d’autres cultures. Une tonalité optimiste et d’espérance domine l’ouvrage, sans cependant faire l’impasse sur la confrontation avec la crise de l’Église aujourd’hui. Celle-ci est replacée dans le cadre du déclin politique et spirituel de l’Europe et de la globalisation croissante, de la faiblesse de la pensée actuelle, des bouleversements issus de 1968, des changements et déséquilibres sociétaux rapides, de la décroissance d’ensemble d’une société chrétienne, du désenchantement post-conciliaire, de la chute des vocations religieuses et sacerdotales, et, plus récemment, des effets de la covid et de la crise des abus.

L’auteur synthétise les orientations des trois derniers papes dans ce contexte de crise : l’élan charismatique de Jean-Paul II a d’abord visé à redonner une espérance mais n’a pu traiter le mal en profondeur ; les fondements de la foi chrétienne ont été réaffirmés par Benoît XVI mais son pontificat s’achève par une renonciation traumatisant le monde catholique avec la prise de conscience corollaire de la fragilité actuelle de l’Église ; enfin la vision innovante de François sur l’Europe invite à sortir des nostalgies passéistes, pour écrire un avenir qui tienne compte du continent devenu laïque et pluriel sur le plan religieux.

Quelles sont alors les voies de l’avenir ? Andrea Riccardi les trace à partir de la pensée du pape. Face à l’esprit du monde qui voudrait une Église s’adaptant à lui et le prenant pour norme, face aux peurs engendrées par les mouvements migratoires, François propose un avenir fondé sur des coalitions et des alliances, qui fasse « progresser la vision conciliaire du dialogue comme art de vivre et l’œcuménisme comme civilisation ». Il ouvre « les voies à un christianisme dans l’histoire globale ». Les pistes qu’il indique sont d’abord celles de l’Évangile : l’Évangile de la prière, de la quête de Dieu, de la miséricorde, de la tendresse, du respect de la création, de la paix et de la fraternité. À travers Laudato Si’ et Fratelli tutti, François exprime la manière dont il pense notre époque. « En route vers l’avenir, ce pontificat laisse en héritage le “pauvre” comme lieu théologique et existentiel pour le chrétien et la communauté. »

L’ouvrage interpelle sur l’importance de la fidélité des personnes consacrées dans ce contexte de crise, sur la réciprocité de communion entre hommes et femmes dans l’Église, et sur l’attente par le monde d’aujourd’hui d’une parole de l’Église qui soit profondément signifiante.