C’est un très grand ouvrage posthume que nous permettent de découvrir les éditeurs, en hommage au prêtre trop tôt disparu dont « l’œuvre ecclésiologique était marquée par la figure de l’autre » (p. 8) – un angle d’approche capital aujourd’hui, pour une Église « invitée à laisser une place de choix à ce qui est autre qu’elle-même » (p. 9). Diplômé en sociologie, en philosophie, en droit canonique et en théologie, membre du Groupe des Dombes, le chercheur dont la réflexion était « ecclésiologique, donc œcuménique » (id.), est présenté ici selon quatre champs bien définis de cette « ecclésiologie de l’autre », qui donne leurs titres aux différentes parties : le Concile Vatican II, l’ecclésiologie sous différents aspects, l’institutionnalité elle-même, les ministères. La finale pose, avec l’humour et la clarté partout présents dans l’ouvrage, la question de savoir « comment on peut être ecclésiologue ». Seulement comme cela, serait-on tenté de répondre.
C’était bien « une évidence » de commencer ce recueil, en Première partie, par diverses contributions sur Vatican II, « un Concile aux multiples ecclésiologies », qui a désigné l’Église comme « sacrement du Royaume », dans la constitution Lumen gentium dont la fécondité impressionnante est examinée, notamment dans « l’efflorescence des nouveaux mouvements et nouvelles communautés ». Cependant, « quasiment à tous les niveaux, les institutions actuelles semblent peu à même de nourrir un débat serein intégrant les différentes composantes du peuple de Dieu concernant les questions que doivent aujourd’hui affronter les communautés chrétiennes… et tous nos contemporains » (p. 95). Il fallait pourtant « commémorer Vatican II » – un texte étincelant de clarté sur ce qui doit encore être poursuivi.
La Deuxième partie traverse différentes questions ecclésiologiques : celle de la piété liturgique, où l’on voit le motif œcuménique réguler le discours marial dans l’Église catholique ; celle de la désignation de l’Église comme Épouse sainte et immaculée du Christ (une étude majeure) ; la lecture théologique que l’on peut faire de deux siècles d’histoire concernant Marie et l’ecclésiologie catholique (« Marie, Mère de l’Église, n’est pas une formule conciliaire ») ; la théologie de la réforme, dans l’histoire des derniers conciles, avec les conditions auxquelles aimait revenir Congar pour qu’une réforme soit authentiquement catholique (p. 192).
La Troisième partie, sur l’« institutionnalité », est un sommet du recueil, lequel s’illustre partout par ces petits modules d’introduction et de conclusion appelant souvent à la fraternité. Ici, c’est « l’autorité des conférences épiscopales en matière de liturgie » qui est examinée, avant, pendant et après Vatican II ; puis « les provinces ecclésiastiques », au regard de la théologie de l’Église (avec les deux cas où l’action collégiale se réalise au sens strict : le concile œcuménique, le consentement du pape à une action de tous les évêques dispersés, p. 230) ; ensuite, la paroisse territoriale et son avenir possible (la liquid Church ?) ; et enfin, un chapitre passionnant sur l’éclosion des nouveaux mouvements comme question posée ?? à l’ecclésiologie.
La Quatrième partie, introduite comme les autres par les éditeurs, s’attache au ministère des prêtres, aux « responsabilités, charges et ministères confiés à des laïcs » (« On gagnerait, à partir de la réalité pastorale actuelle, à identifier ce qui, de fait, est un office ou un ministère, et non simplement un service », p. 297). Elle rassemble aussi « les éléments théologiques fondamentaux de Vatican II pour une articulation entre théologie des ministères ordonnés et mission des laïcs », et s’achève sur la distinction entre opinion publique et sensus fidei, avec ses conséquences sur la synodalité – Un ouvrage essentiel.
Collection Unam Sanctam
Éditions du Cerf, Paris, août 2022
344 pages · 26,00 EUR
Dimensions : 13,5 x 21 cm
ISBN : 9782204140584