Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.
Un curé de Bruxelles. C’est ainsi que l’auteur préfère se présenter, pour partager avec ceux qui le désirent sa méditation de trois « crises » récentes (les abus, l’épidémie de Covid, la mise en route du Synode) qui le font revenir à la source baptismale et réfléchir aux premières organisations chrétiennes.
Né en Lituanie dans une famille de militaires russes, catholique de conversion, le nouveau prieur du couvent dominicain de Marseille poursuit désormais un ministère de prédication, d’enseignement et d’accompagnement qui l’a déjà conduit à publier un bel ouvrage sur la paternité spirituelle et ses contrefaçons (voir la recension ici). Il nous rend ici le service de revenir sur un texte récent, encore mal connu.
Dans un monde laïcisé, qui ne reconnaît plus à l’Église aucune autorité, et qui s’est réapproprié la plupart des domaines dans lesquels œuvraient les religieux au siècle dernier (soin des malades, éducation, accueil des pauvres, etc.), comment la vie religieuse est-elle appelée à se situer, mieux, à se ressaisir pour faire face à son indéniable perte de vitesse ? Les questions, les provocations, les objections mêmes, adressées par le monde aux consacrés, ne sont-elles pas autant d’appels de la grâce à retrouver une vie plus authentique et plus radicalement évangélique ?
L’histoire de la vie contemplative, comme celle de l’Église, est faite de morts et de résurrections. Avec finesse et réalisme, Mgr P. Raffin tire les leçons de l’histoire et se réjouit de la naissance de communautés qui, sans être monastiques stricto sensu, reprennent le flambeau. Il encourage le monachisme occidental à poursuivre l’aggiornamento demandé par Perfectae caritatis, à se ressourcer davantage en Orient comme y invite Jean-Paul II dans sa lettre Orientale lumen, ainsi qu’à élargir son regard en continuant à soutenir les fondations dans les jeunes Églises et en prenant davantage en compte la dimension œcuménique, et même interreligieuse, comme certains monastères ont commencé à le faire.
La vie consacrée connaît, dans les régions les plus prospères du monde, un état de crise qui n’épargne aucune de ses formes. Certaines observations nées en Afrique peuvent s’étendre à l’Occident, où les consacrés se trouvent pareillement requis d’inculturer les conseils évangéliques, tout en cherchant les voies d’un difficile renouveau. Plus profondément se trouvent mis en cause l’identité ecclésiale des consacrés, la maturité humaine des jeunes attirés par leurs formes de vie, le rapport avec la société civile, l’attachement aux loyautés d’origine. L’appel et le soutien des pasteurs risquent bien de devenir de plus en plus déterminants.
Ayant repris pied au Vietnam il y a tout juste cinquante ans, la Compagnie de Jésus a connu, elle aussi, la tourmente de 1975 qui n’épargna pas l’auteur de ces lignes ; mais aujourd’hui, la plus jeune des provinces jésuites compte 120 membres vietnamiens et autant de candidats, et elle se porte vers les réalités anciennes et nouvelles de la mission – « l’heure est à l’action de grâces ».
Avons-nous encore besoin de communauté ? Quels seraient les points fondamentaux des formes de vie communautaire postmodernes ? En recourant aux ressources de la philosophie et de la sociologie qu’elle trouve dans de nombreux auteurs germanophones, la supérieure d’une Communauté de Diaconesses protestantes (dédiées aux personnes souffrantes) indique l’urgence, pour nos contemporains, de voir surgir ces communautés religieuses alternatives où la liturgie est elle-même lieu de guérison.
La lecture toujours reprise de la Règle bénédictine permet de l’entrevoir comme un chemin, devenant plus ardu avec le temps. Un passage peut alors s’opérer, au plus profond de la misère de l’orant. Avec les anciens spirituels, Benoît montre dans l’humilité du « médecin qui se sait blessé » la vraie source de sa capacité à guérir autrui — « si vraiment il cherche Dieu ».
Si la vie religieuse est « mémoire évangélique de l’Eglise » et si le christianisme est « crise » — « crise » de l’homme devant Dieu -, alors, la vie religieuse ne peut être que la « mémoire évangélique » de cette « crise » qui traverse et l’homme dans son être-au-monde, et l’Eglise en marche vers le Royaume, et la création elle-même. A l’horizon se profile ainsi ce qui pourrait être le véritable point d’ancrage théologique de la vie religieuse, à savoir le mystère pascal du « Dieu crucifié » venu sauver ceux qui étaient perdus.
À cette heure de « difficulté retardée », le monachisme connaît lui aussi une situation d’indigence, vigoureusement analysée par l’une de ses plus notoires figures. Mais « lorsqu’il est ébranlé comme un chêne abattu, c’est alors qu’il est dans une condition pascale ». Le célibat et la communauté demeurent les chiffres de l’urgence, pour l’épiphanie d’un amour plus fort que toute gnose.
« Et si refonder, c’était tout simplement adopter une forme d’adaptation permanente au monde moderne ? » Pour mieux comprendre les enjeux sociologiques de la refondation en cours dans bien des instituts religieux, un spécialiste relit les trois périodes qui président à cette évolution : crise d’identité, crise de visibilité, tissage du lien social. Puis il donne quelques exemples d’un changement polymorphe qui passe par les formes de vie religieuse, l’usage des communications, mais aussi l’action politique. Religieux au XXIe siècle, un métier d’avenir, au cœur de la modernité politique ?
Avec vigueur et quelques raccourcis fulgurants dont l’auteur est coutumière, voici quelques lignes seulement qui méritent méditation et nous invitent à traverser « toutes les autres couches de la question ». Ce n’est pas pour quitter le concret du terrain où l’avenir est promis à des mini-insertions « visibles, mais peu puissantes, des présences sans gloire auprès des plus simples ». Ce n’est pas sans raison qu’à nouveau ici le recours à la « réserve apocalyptique » de l’Agneau immolé et vainqueur se donne comme notre seule assurance et finalement comme notre seul témoignage : « Le témoignage de Jésus. La vie consacrée y sera demain si elle s’y trouve aujourd’hui ».