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Situation légale des religieux en France

Joseph Olivier, s.m.

N°1989-5 Septembre 1989

| P. 311-322 |

À la suite de bien des avatars, dont on décrit ici les récents développements, la situation légale des religieux en France présente aujourd’hui d’intéressantes perspectives, utiles aussi pour un statut éventuel des religieux dans l’Europe. Une évolution qui peut conforter ceux que préoccupent, dans leurs pays respectifs, les rapports de l’Église avec l’État.

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La situation actuelle des religieux en France ne peut se comprendre sans un bref retour sur le passé. Celui-ci permet de mieux saisir des aspects qui peuvent étonner ceux qui ne seraient pas avertis d’une histoire qui est à l’origine d’une législation. Il peut permettre aussi de regarder l’avenir avec plus de sérénité sans se crisper sur des attitudes qui n’ont plus leur raison d’être.

Rappel historique

Il faut remonter au lendemain de la Révolution française, époque à laquelle les Congrégations religieuses commencent à se reconstituer. Le Concordat de 1801 avait rétabli les rapports entre l’Église et l’État, au terme de transactions difficiles, mais n’avait pas fait mention des Congrégations religieuses. Napoléon à la fois les veut et ne les veut pas : il a peur de leur puissance, surtout de celles qui ont leur Supérieur Général à l’étranger, à Rome. Mais il sait aussi le service qu’elles peuvent rendre à la Nation, en particulier auprès des malades.

Finalement, en 1809, il accepte leur existence légale par un Décret impérial qui concerne au premier abord les Congrégations hospitalières : elles auront droit d’existence à condition que leurs statuts soient « reconnus » par l’Empereur.

Les statuts de chaque Congrégation ou maison séparée seront approuvés par nous et insérés au Bulletin des Lois pour être reconnus et avoir force d’institution publique. Art. 2 du Décret. –

Il est peut-être utile de noter déjà les points suivants :

  • À ce moment-là de notre histoire, et cela reste vrai pour tout le XIXe siècle, la « reconnaissance légale » reposait sur l’utilité sociale des Congrégations. Elle ne faisait pas sa place à la vie religieuse comme telle, particulièrement à la vie contemplative. Dans une société qui s’affirmait laïque, se réclamer de Dieu pour être reconnu n’était pas un titre.
  • En 1814, une seule Congrégation d’hommes était reconnue, celle des Frères des Ecoles Chrétiennes. Généralement, tout au long du XIXe siècle la situation faite aux Congrégations masculines fut bien différente de celles des femmes, et un petit nombre seulement demanda la reconnaissance officielle.
  • Enfin la liberté d’association n’existait pas en France au XIXe siècle et il faut situer les exigences de l’État envers les Congrégations dans ce contexte.

Après Napoléon

À la suite de la loi de 1817 sur les « donations et les legs aux établissements ecclésiastiques », se pose la question d’une loi pour les Congrégations (féminines).

Le projet est accueilli de différentes façons à la Chambre des Pairs. Les uns militent pour que ne soit pas imposée la demande d’autorisation : le religieux n’a pas à être soumis à des autorisations préalables pour exister et agir comme religieux : simplement, comme tout citoyen, il peut être atteint par des sanctions pénales quand il agit contre la loi.

D’autres voient dans la « reconnaissance légale » le moyen de surveiller les Congrégations, les jugeant préjudiciables à l’État, car elles retirent de la circulation beaucoup de biens, et préjudiciables aux familles parce qu’elles les privent sans retour des mêmes biens. De plus, elles tendent à se soustraire à l’autorisation de l’Ordinaire et à celle des magistrats.

Cependant, le 24 mai 1825, une loi relative à l’autorisation et à l’existence légale des Congrégations et Communautés de femmes est votée avec des conditions restrictives pour acquérir, aliéner, donner des biens, toujours avec l’autorisation spéciale du roi.

En fait, de nombreuses Congrégations demandent et obtiennent leur reconnaissance selon cette loi de 1825. Mais beaucoup d’autres continuent à exister sans autorisation et bénéficient d’un régime de tolérance car la législation n’attache aucune sanction pénale à l’inexécution de la loi. Les Congrégations qui demandent la reconnaissance le font plutôt par crainte des héritiers et des procès qu’elles peuvent encourir.

En 1852 paraît un Décret, signé de Louis-Napoléon, visant à encourager les demandes de reconnaissance : les Communautés religieuses féminines pourront désormais être autorisées par simple décret sur présentation de statuts déjà approuvés pour d’autres Congrégations.

Et ceci, « dans l’intérêt du peuple ». Il ne faut pas oublier que, deux ans auparavant, en 1850, a été votée la loi Falloux sur l’enseignement et que l’instruction des filles se développe. Comme l’État n’a pas le moyen de répondre à l’obligation qu’il a créée, il veut encourager les Congrégations féminines.

Lorsqu’il en aura lui-même le moyen, en particulier à partir de 1880, sa politique sera différente. Bientôt, des mesures coercitives sont prises contre les Congrégations. En effet, à la fin du XIXe siècle, pour un Etat positiviste, elles apparaissent comme un pouvoir dangereux, à la fois par leur action sur la jeunesse, et par le poids de leurs édifices, très visibles.

La loi sur les associations

C’est dans cet état d’esprit qu’est votée la loi de 1901 sur les associations.

C’est une loi libérale pour l’ensemble des citoyens qui, depuis la Révolution, étaient soumis à une autorisation pour tout groupement au-delà de vingt membres. Désormais, ils ont le choix entre l’association non déclarée ou groupement de fait, l’association déclarée et l’association reconnue d’utilité publique, avec des droits et des exigences liés à chaque type.

Or, cette même loi est une loi contraignante pour les Congrégations à qui est réservé le titre III ; on l’a appelée une loi d’exception. L’article 16 qui stipule que « toute Congrégation formée sans autorisation sera déclarée illicite » est à l’origine de ce qu’on a appelé le « délit de congrégation ».

Waldeck-Rousseau dit pourquoi il a voulu cette loi d’exception pour les Congrégations :

Elle a pour objet de soumettre les Congrégations au contrôle de l’État. Elle confie aux pouvoirs publics le soin de vérifier le but qu’elles poursuivent et l’utilité qu’elles présentent, de mesurer leur développement, de concilier l’exercice des droits individuels avec les exigences de l’ordre public... Par là même que l’autorisation est exigée pour toutes les Congrégations, aucune ne peut être considérée comme exclue a priori du bénéfice de cette autorisation.

Mais c’est Combes qui appliqua la loi, et on sait ce qu’il en a été : la plupart des Congrégations qui ont voulu se soumettre ou bien ont essuyé un refus de la part d’une Assemblée ou d’une autre, ou bien n’ont pas eu de réponse à leur demande. D’autres se sont abstenues de le faire.

Et l’on s’est trouvé devant deux groupes de Congrégations :

  • les unes reconnues avant 1901, jouissant de la personnalité civile, du droit de posséder, d’acquérir, d’aliéner, de recevoir des libéralités, sous le contrôle de l’État : elles gardent la reconnaissance, sauf pour enseigner ;
  • les autres, non reconnues, illicites au regard de l’État, sans aucune personnalité civile, donc simples groupements de fait, à l’existence précaire.

Depuis la guerre

La loi du 8 avril 1942 voulut mettre fin à ce « régime équivoque, contraire tant à la dignité de l’État qu’à celle des ordres religieux », selon l’expression du rapporteur de la loi. Mais ne pouvant y donner une solution d’ensemble, il se borne à demander une modification de l’article 13 de la loi de 1901. Désormais « toute Congrégation religieuse peut obtenir la reconnaissance légale par décret rendu sur avis conforme du Conseil d’État » et les Congrégations non reconnues ne sont plus illicites. Mais on n’étend pas à ces dernières les obligations accordées aux Congrégations reconnues en contrepartie des facilités accordées.

Concrètement la situation ne bouge guère. Peu de Congrégations font la demande. A la Libération, cette loi n’est ni validée, ni abrogée. Elle est suspendue d’application dans l’attente d’un règlement d’ensemble des relations Église-État. C’est à partir de 1970, sous la présidence de Georges Pompidou, que le gouvernement encourage les Congrégations et Monastères à demander la reconnaissance légale. Le résultat ne se fait pas attendre : alors qu’entre 1942 et 1968, huit Congrégations l’avaient demandée et obtenue (il y avait eu une loi d’exception en 1941 pour les Chartreux), cent vingt l’ont fait depuis et aucune demande n’a été refusée.

Sur le plan strictement légal, il n’y a pas de modification jusqu’à la loi de juillet 1987 qui modifie le 1er article de la loi de 1825 en supprimant la phrase « et s’il s’agit d’un établissement autorisé pour un objet charitable ». Ce qui veut dire que tout établissement de femmes peut recevoir des legs et que toute religieuse d’une Congrégation reconnue peut disposer de ses biens sans limitation par acte entre vifs ou testament, soit en faveur de sa Congrégation, soit au profit de l’ensemble de ses membres.

Ce long intervalle entre les votes de lois ne signifie pas que le gouvernement ait été inactif, notamment au niveau du Bureau des Cultes du Ministère de l’Intérieur. Les Directeurs successifs sont restés en lien avec les responsables des Congrégations non seulement pour étudier les questions propres à chacun, mais aussi pour trouver des solutions plus globales, ce qui dénote certainement une volonté d’ouverture et de recherche correspondant à un nouvel état d’esprit.

Situation actuelle

Plusieurs possibilités d’existence légale demeurent. Après les avoir brièvement rappelées, nous donnerons quelques précisions sur l’interprétation actuelle des textes.

Les Congrégations reconnues

Ce sont les Congrégations « autorisées » du 19e siècle et celles qui ont obtenu la reconnaissance dans ces dernières années. Parfaitement en règle avec la législation en vigueur, elles sont des personnes morales de droit privé dotées de l’existence légale, de la capacité civile, de la personnalité juridique, avec certains avantages et obligations.

Elles jouissent de la « grande capacité » ou « capacité large » comme les associations reconnues d’utilité publique auxquelles elles sont légalement assimilées. Elles-mêmes et leurs établissements particuliers, en pleine autonomie et indépendance, peuvent être propriétaires, gérer et administrer leur patrimoine, recevoir dons et legs, ester en justice et jouir de prérogatives fiscales. Tout ceci sous réserve des obligations découlant de la tutelle administrative, laquelle exige pour la demande de reconnaissance de fournir un état des personnes et des finances ; une tenue à jour des recettes et dépenses et de la liste des membres de la Congrégation ; une présentation chaque année des comptes financiers, de l’inventaire des biens ; l’acceptation de la tutelle administrative pour les dons et legs, les acquisitions ou ventes de biens immobiliers ; l’interdiction des donations avec réserve d’usufruit et, pour les Congrégations féminines, des exigences de l’art. 7 de la loi de 1825 en cas de retrait de la reconnaissance.

Les Congrégations non reconnues

Ce sont des groupements de fait, sans existence légale ni capacité civile. Par suite de la suppression du « délit de congrégation » elles sont semblables aux associations de fait, c’est-à-dire non déclarées. Elles ne sont pas illicites.

N’ayant pas de personnalité civile, ces Congrégations ne peuvent exercer de droits patrimoniaux, posséder en tant que collectivité. Les biens peuvent appartenir soit indivisément à tous les individus, soit à une personne morale : association ou société existant parallèlement. D’où l’impossibilité pour elles de contracter en tant que communauté, d’intenter une action en justice, etc.

Dans les faits et dans la jurisprudence, des atténuations sont apportées vis-à-vis des conséquences juridiques dues à l’absence de personne morale. Il s’élabore une théorie sur la « société de fait ». Mais les inconvénients demeurent à propos de sociétés civiles ou commerciales qui gèrent les biens : difficultés pour les héritages, la fiscalité, la transmission des biens.

L’association

C’est une autre possibilité dont on a beaucoup parlé ces dernières années. Mais il ne s’agit pas à ce moment-là de la reconnaissance de la Congrégation comme un groupement spécifique. C’est celle de citoyens français qui se réunissent pour un objectif défini selon la loi de 1901, avec le risque de changement de majorité contre lequel on ne trouve aucune garantie dans les statuts. L’avantage est de donner une existence légale à l’association ainsi constituée.

L’obstacle à se constituer ainsi en association venait de l’art. 16 de la loi de 1901. Mais il est supprimé par la loi de 1942, puisque les Congrégations non reconnues ne sont plus illicites. Il n’y a donc pas besoin de recourir à la convention européenne des droits de l’homme.

*

Devant ces trois possibilités, la tendance actuelle du gouvernement est d’inviter à demander la reconnaissance légale. On souligne qu’en plus des avantages financiers dont elle pourra bénéficier, la Congrégation est alors reconnue dans son existence spécifique (assimilation à la reconnaissance d’utilité publique). De plus, il faut tenir compte de l’évolution actuelle : l’État tient compte du fait religieux et les rapports avec l’Église ne sont plus ce qu’ils étaient. On souhaiterait que les religieux fassent des démarches dans ce sens.

Il reste bien sûr la question de la tutelle administrative. Mais, si elle a pu être appliquée de façon très stricte, ce n’est plus le cas. Ce qui est demandé (comptes, liste des personnes) ne doit pas être un poids pour des congrégations qui doivent avoir ces documents même si elles ne sont pas sous tutelle. La dernière note modifiant la rédaction des décrets de reconnaissance légale (de janvier 1987) est un signe de la volonté de faciliter les démarches.

Deux exigences de la tutelle peuvent paraître contraignantes. Il faudrait surtout en voir le bien-fondé.

S’il y a contrôle à propos des biens et legs, c’est dans le souci de veiller à l’intérêt des familles, et de s’assurer que les héritiers ne sont pas lésés. Quelques rares interventions de la tutelle ont permis des arrangements à l’amiable.

Si l’on demande aux Congrégations de ne pas vendre à un prix inférieur à celui fixé par les Domaines, c’est pour veiller à ce qu’elles ne soient pas la proie de promoteurs profitant de la situation. Mais une note du Ministère précise aussi aux préfets que l’on peut transiger pour une vente qui pourrait avantager des acquéreurs dont le but est d’acheter pour une œuvre à caractère social par exemple. C’est une sécurité avec, en contrepartie, une lenteur administrative souvent lourde pour les Congrégations.

Il serait donc opportun d’établir des relations de plus en plus sereines. Elles pourraient permettre de faire avancer toutes ces questions avec des rapports entre les religieux et l’État qui permettent aux Congrégations de vivre normalement dans le respect de la laïcité.

Actuellement, les différentes possibilités – statu quo, association, reconnaissance légale – sont ouvertes, laissant à chacun la possibilité de se déterminer en envisageant avantages et inconvénients en fonction de sa situation. Faut-il aller plus loin dans la recherche de solutions ? Ce serait continuer une réflexion déjà entamée et contribuer à éclairer le débat. Aussi n’est-il pas inutile maintenant de rappeler le travail fait ces dernières années.

Les travaux de Conférences

Cette question du statut légal a toujours été une préoccupation des religieux. On la retrouve dans les comptes rendus de réunion avant la Libération. Au cours des années qui ont suivi, un travail patient a été réalisé. Les rapports faciles entre juristes, canonistes et responsables du Bureau des cultes ont permis de continuer la recherche pour avancer peu à peu dans le cadre des lois existantes. Mais ce n’est qu’en mars 1978 qu’est créée une commission intitulée « statut légal des religieux en France » à la demande des responsables des deux Conférences des Supérieurs et Supérieures majeur(e)s.

Le travail de la Commission

Cette Commission, qui n’avait pas à prendre de décisions, s’est surtout réunie de 1978 à 1985. Parallèlement, mais en lien avec la commission, le Centre Thomas More a organisé une table ronde les 17 et 18 mars 1979 à l’Arbresles. Son compte rendu fournit aussi des éléments importants de réflexion.

Dès la première rencontre, la Commission a voulu éviter l’écueil d’un débat simplement juridique. Elle a posé des questions importantes : « comment être reconnu aujourd’hui pour ce que nous sommes en vérité sans minimiser la nature de la vie religieuse ou la transformer » et en tenant compte de la diversité des formes d’existence de cette vie religieuse ? Différentes formes de « reconnaissance » peuvent être demandées. Mais l’une d’entre elles est-elle compatible avec la spécificité de la vie religieuse ? Celle-ci ne court-elle pas le risque d’être reconnue pour une simple forme du service social qu’elle peut rendre ?

Cette première approche pousse la Commission à lancer un sondage auprès des unions féminines et masculines. Elle pose quatre questions :

– faut-il obtenir le changement de la loi de telle sorte que ce ne soit plus une loi d’exception ? – en faisant reconnaître la diversité des congrégations ? – y a-t-il d’autres voies pour la reconnaissance ? – si la congrégation est de fait reconnue pour sa contribution à la bienfaisance et l’assistance, ne doit-elle pas chercher à l’être par rapport à sa spécificité, comme un groupe original ?

C’est la dernière question que retient la Commission en priorité. Elle touche ce que veut être la vie religieuse dans sa spécificité et sa visibilité.

Le Père Raulin propose une réflexion sur la « médiation, pour la Congrégation, de la vie et de la place des religieux dans la société ». Il s’appuie sur la liberté de vivre selon l’Évangile et sur l’importance de la Congrégation en tant que collectivité religieuse pour assurer à chacun une médiation qui lui permet de rester au service de cette liberté. Cela a pu être vécu de façon différente au cours de l’histoire. Qu’en est-il dans le contexte actuel ?

Le Père Gellard reprend cette question sous un angle plus sociologique et propose quatre pistes de travail :

  • question théologique : faut-il vraiment définir la vie religieuse en termes de liberté ou d’autonomie par rapport à l’environnement ? Mais cette rupture ne pose alors question que si elle vient d’un groupe ou d’un individu dans la mesure où il figure le groupe ;
  • question de la nécessaire négociation entre le groupe religieux et la société, qui jouera différemment, selon les cas, sur un choix plus ou moins prononcé entre une autonomie porteuse d’opposition et une légitimation par l’environnement impliquant la collaboration ;
  • question de l’appartenance à la vie religieuse au milieu d’autres appartenances dans la vie ecclésiale ou civile ;
  • question de la visibilité de la vie religieuse et de son statut juridique dans la société. Il faudrait réfléchir à la part de spécificité (exprimée collectivement) à faire reconnaître par la société, en sachant qu’un statut uniforme ne pourrait convenir à l’ensemble des congrégations.

Ces questions de fond ont été largement reprises et étudiées à la table ronde de l’Arbresles par des juristes, historiens, théologiens. L’ensemble constitue un dossier qui pourrait être utile à ceux qui voudraient approfondir ces questions. Il met bien en relief qu’il est difficile de placer toutes les congrégations dans un même cadre juridique et que, s’il est inutile de réveiller de vieilles querelles, la solution est à chercher en fonction de ce qu’est la vie religieuse aujourd’hui. L’histoire est éclairante et montre que cette vie a eu différents visages : protestation évangélique, contestation au cœur de la société, service avec l’ambiguïté du service social. Quel accent mettre aujourd’hui dans le rapport avec la société et quel statut juridique trouver pour le mettre en relief ?

Hypothèses et pistes de travail

La Commission ne s’est pas arrêtée à ces réflexions. Elle a aussi travaillé pour présenter des solutions juridiques. En fait, n’ayant pas à prendre de position, elle a donné ses conclusions en juin 1979 sous forme de trois hypothèses :

  • la loi de 1901 (modifiée en 1942) demeure dans son cadre de vie associative avec modification du Titre III : demande d’insérer un autre type d’association correspondant à un droit particulier pour les Congrégations avec possibilité de choix pour chacune d’elles ;
  • remise en cause de la loi de 1901, comme le souhaiteraient d’autres associations qui la trouvent inadaptée ;
  • obtenir que soit reconnu à chaque congrégation le droit de choisir la ou les formes juridiques qui conviennent le mieux à sa situation propre.

En conclusion, la Commission précise que ces choix ne peuvent se faire sans une réflexion sur la spécificité de la vie religieuse. Ce qui renvoie chaque Congrégation à une réflexion semblable à celle qu’a dû entreprendre la Commission.

Le travail de la Commission n’a pas été repris à ce niveau. Peut-être parce que les uns et les autres sentaient qu’il serait néfaste de perturber des relations qui sont bonnes actuellement. Mais si l’on reste attentif à la réflexion et aux décisions des instituts, dans les chapitres notamment, on s’aperçoit que beaucoup d’entre eux sont loin de rester inactifs : ils cherchent, dans le contexte des lois existantes et dans le dialogue avec le Ministère, les formules qui pourraient leur permettre d’avoir une existence légale respectant la spécificité de leur forme de vie religieuse.

Deux pistes de travail restent donc ouvertes actuellement à notre Conférence : d’abord l’attention à ce qui se fait dans différents Instituts pour obtenir leur reconnaissance sous une forme ou sous une autre, ce qui demande de fournir, avec l’aide de juristes et de canonistes, les éléments de réflexion qui peuvent être utiles. A ce niveau nous aurions besoin de redonner vie à la Commission actuellement un peu en sommeil qui a étudié le statut légal des religieux en France.

Ceci paraît d’autant plus important qu’une autre piste peut s’ouvrir : l’étude des rapports entre l’Église et l’État dans les pays de la Communauté Européenne. L’Europe se construit peu à peu. Les législations de chaque pays devront s’harmoniser. La France, marquée par une notion de la laïcité élaborée au cours d’une histoire qui lui est particulière, risque de se trouver isolée. Or il existe une Conférence Européenne des Supérieurs Majeurs. N’aurait-elle pas là une tâche à accomplir ? Celle-ci nécessiterait un travail long et difficile de spécialistes. Il ne faudrait donc pas trop attendre. Si les religieux se mettaient au travail, dans le domaine particulier qui est le leur, ils rendraient certainement service à l’ensemble de la Communauté.

3, rue Duguay-Trouin
F-75006 PARIS, France

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