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Les poussées prophétiques de l’Esprit Saint dans les religions selon Louis Bouyer

Vincent Guibert

N°2013-3 Juillet 2013

| P. 198-207 |

Dans le domaine très discuté de la théologie chrétienne des autres religions, le génial (et méconnu) Oratorien « rejoint certains accents de la théorie de l’accomplissement défendue par Jean Daniélou, Henri de Lubac, et dont on retrouve certains éléments dans les enseignements du concile Vatican II. Il renouvelle cette théorie par deux principes fondamentaux : le premier est que le rapport entre le christianisme et les religions doit être étudié dans le contexte d’une humanité comprise au cœur du cosmos ; le second est lié à l’action de l’Esprit qui ne cesse de féconder les efforts religieux de l’homme ».

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Après la nouvelle rencontre d’Assise que Benoît XVI a suscitée vingt-cinq ans après l’initiative de Jean-Paul II, il m’a semblé intéressant de parler de la manière dont Louis Bouyer situe la religion chrétienne dans le concert des religions mondiales [1].

Nous allons voir que l’Oratorien rejoint certains accents de la théorie de l’accomplissement défendue par Jean Daniélou, Henri de Lubac, et dont on retrouve certains éléments dans les enseignements du concile Vatican II. Il renouvelle cette théorie par deux principes fondamentaux : le premier est que le rapport entre le christianisme et les religions doit être étudié dans le contexte d’une humanité comprise au cœur du cosmos ; le second est lié à l’action de l’Esprit qui ne cesse de féconder les efforts religieux de l’homme.

I. Le christianisme et les religions

L’homme religieux inséré dans l’univers créé

Louis Bouyer porte un grand intérêt à l’histoire des religions. À la suite de Rudolf Otto, de Gérard Van der Leeuw et de Mircéa Eliade, il se lance dans une étude phénoménologique des religions. Il défend ardemment le caractère permanent et irréductible de la religion et soutient que la dimension religieuse de l’homme apparaît dès son origine.

Refuser le sacré, c’est empêcher Dieu de se manifester dans le monde qu’il a créé pour être uni en Lui. Le sacré est le signe nostalgique d’une présence, cachée par la chute, mais qui ne s’est pas pour autant totalement évanouie.

Pour se faire connaître de l’homme, la Parole divine doit rejoindre sa quête telle qu’elle s’est exprimée après la chute, notamment dans le mythe. Les mythes fondamentaux et explicitement religieux peuvent être des pierres d’attente pour l’arrivée au christianisme : ils sont alors des terrains d’accueil de la grâce chrétienne [2]. La société moderne secrète est parfois à l’inverse des mythes qui rejettent Dieu et exaltent la divinisation de l’homme par l’homme. L’oratorien qualifie de démoniaque cette malversation du mythe. Un enjeu fondamental apparaît : soit la pensée mythique se laisse purifier par la Parole de Dieu qui exauce ses plus hautes aspirations religieuses et parvient à instaurer une relation authentique avec Dieu ; soit le mythe, faussement rejeté, revient sous une forme démoniaque qui révèle l’emprise du péché sur l’homme. Seul le Christ, Parole divine, peut conduire l’homme au-delà du mythe et accorder son salut.

Le christianisme exauce le désir religieux de l’homme

Sans nier le caractère absolument unique et innovant de la religion chrétienne, Louis Bouyer soutient que des empreintes du Créateur demeurent dans les autres religions. L’originalité de la religion chrétienne est marquée par l’initiative divine de vouloir se révéler à l’homme [3]. Ce qui est premier dans le christianisme n’est pas l’effort de l’homme pour s’élever jusqu’à Dieu, mais la Parole divine qui rejoint l’homme. Telle est la grâce inestimable du christianisme, grâce qui l’oppose aux autres religions. Cette opposition n’est cependant pas radicale et doit être bien interprétée.

D’une part, la grâce divine ne contrecarre pas la nature ; la vérité chrétienne ne peut être désincarnée de l’expérience humaine. Pour être accueillie par l’homme, la grâce de Dieu doit rejoindre la lente et progressive évolution de la culture humaine. Louis Bouyer a le souci d’articuler transcendance et immanence, grandeur de Dieu et réalité de la création. Il cherche à unir l’action purement gracieuse de Dieu à la nature qu’il a créée dans le but de devenir une capacité ouverte à cette grâce. Le christianisme apparaît alors comme l’exaucement de la nostalgie exprimée dans les autres religions. Louis Bouyer a confié dans Le métier de théologien : « Le Christ est vraiment celui qui réalise, et bien au-delà de toutes nos espérances, ce que l’humanité attendait confusément, sans pouvoir se le formuler à elle-même [4]. »

D’autre part, les autres religions ne sont pas dénuées d’activité divine ; « elles ne sont pas entièrement l’œuvre des hommes [5] ». Cette affirmation est capitale. La création, même déchue, conserve les traces de Dieu. Les religions sont l’expression, plus ou moins ambiguë, de l’élan vital et naturel que Dieu a inspiré en l’homme. Toute religion, même la plus dégradée et mêlée d’erreurs, conserve un fond positif, une nostalgie divine insatisfaite et une prémonition impuissante mais précieuse de la Révélation et du don de Dieu. Mieux encore, à la suite de saint Justin, Louis Bouyer affirme que des semences éparses du Verbe divin se trouvent dans les croyances de tous les peuples. Ainsi, Dieu prépare l’humanité entière à accueillir la venue du Christ [6]. L’action créatrice de Dieu est une réalité toujours actuelle ; elle se manifeste dans la nature humaine qui désire et attend Dieu au plus profond d’elle-même.

II. L’œuvre de l’Esprit saint

Les pressentiments de l’Esprit dans l’histoire des religions

L’originalité de l’oratorien provient de ce qu’il met en avant la poussée de l’Esprit saint dans les grandes religions [7]. L’Esprit suscite des prophètes, ainsi, dans Le Père invisible, Louis Bouyer explique que :

Tous ces prophètes sont comme des hommes qui ont vu un éclair dans la nuit. Leur rétine en reste à jamais marquée d’un trait de jour ineffaçable, et même si, pour tous ceux qui les entourent, l’aube ne se laisse pas encore deviner, il est désormais impossible de rester tranquillement endormis, ensevelis sous le poids de la nuit.

Chacune de ces personnes a produit dans l’histoire de sa civilisation une sorte d’illumination ponctuelle dans la puissance de l’Esprit. Le statu quo ante devient impossible. L’Esprit a la caractéristique de redresser ce qui est courbé, de rétablir la vérité là où l’erreur a germé. Il en résulte l’émergence de révélations inespérées, là même où l’humanité s’était égarée [8].

Dans son ouvrage Le Consolateur, l’oratorien met en lumière quelques poussées de l’Esprit à l’origine des religions ou civilisations. Il débute par le chaman qui est le type primitif de l’inspiré [9] ; il poursuit avec le taoïsme chinois qui se concentre sur le thème de la voie [10] ; il tient compte de l’hindouisme indien, du stoïcisme avec sa notion de Pneuma, et du néoplatonisme. Le néoplatonisme représente une haute spiritualité du paganisme finissant. Pour Bouyer, il est possible d’y reconnaître une influence de la révélation biblique grecque des Septante. Avec le bouddhisme et l’hindouisme, l’Extrême-Orient exprime sa quête de la réalité ultime.

L’ouvrage Mystique d’Orient et mystique d’Occident de Rudolf Otto [11] permet à Louis Bouyer de souligner les différences radicales qui séparent les deux mystiques, orientales et chrétiennes. Dans l’hindouisme, la personne de l’adorateur s’évanouit devant la déité ; le christianisme présente au contraire une mystique qui exalte l’union de personne à personne. Il peut alors sembler abusif d’utiliser le même terme de « mystique » entre les traditions orientales [12] et occidentales.

Dans Le métier de théologien, Louis Bouyer parvient à la conclusion suivante :

Toutes ces mystiques naturelles, dans la mesure où elles sont pures et saines dans leur orientation, témoignent en quelque sorte d’une prévenance de l’Esprit qui attire inconsciemment tous les hommes et va les chercher où ils sont pour les ouvrir et les préparer à l’annonce qui leur sera faite, qui doit leur être faite, de sa Révélation.

L’oratorien fournit un critère pour discerner le travail de l’Esprit dans les religions et culture : les témoins qu’il présente, ces prophètes suscités par l’Esprit, ont en commun un même détachement par rapport aux divinités locales. Tous s’éloignent des attitudes magiques de leur peuple ; ils peuvent alors provoquer un sursaut, un authentique élan vers le Dieu unique qui demeure au-delà de tout ce que l’homme peut fabriquer et penser. Ils devinent que la présence divine, entrevue comme dans un éclair, demeure au-delà des formulations de leur propre culture ou religion.

Louis Bouyer précise que seul le prophétisme biblique parvient au terme de la refonte du mythe par un développement cohérent et continu. Dans le christianisme, ou plutôt dans le Christ, la plénitude est atteinte. Telle est la signification et l’urgence de la mission chrétienne : permettre à l’Esprit de récapituler l’humanité dans le corps du Ressuscité. Le christianisme exauce le désir religieux de l’homme.

Les chrétiens, pourtant, ont du mal à demeurer dans la vérité révélée. Louis Bouyer discerne avec audace un sens prophétique dans la permanence d’Israël et la révolte de l’islam.

Les percées prophétiques de l’Esprit aujourd’hui

Même si Israël risque de dériver vers le gnosticisme tant qu’il ne reconnaît pas l’Incarnation et la Trinité, il demeure au plus profond de lui-même une authentique protestation. L’ineffabilité divine reste le grand legs des prophètes anciens à Israël. La persistance de la mystique biblique dans l’Israël post-évangélique atteste le caractère prophétique du refus d’Israël [13]. La protestation prophétique concerne un christianisme qui s’épuise en spéculations, incapable de saisir le mystère de la Trinité sans le confondre avec un trithéisme. Une sorte de déisme anonyme guette également la religion chrétienne qui ne comprendrait la personnalité de Dieu que dans l’humanité de Jésus. Dans ce cas, le refus d’Israël de se convertir est prophétique pour Bouyer : la permanence d’Israël invite les chrétiens à purifier leur image de Dieu pour retrouver le Dieu biblique qui révèle son amour à l’homme.

L’intuition prophétique de Mahomet surgit dans sa revendication d’un pur monothéisme, qui rappelle la Parole divine adressée à Abraham. Le vrai Dieu, le Seul, ne peut admettre aucune « association [14] » qui dissoudrait son unicité absolue. Selon l’oratorien, tel est le message prophétique que l’islam adresse au christianisme. Reste à ce dernier l’immense tâche de professer adéquatement Dieu unique et trinité de personnes. Dieu, le vrai Dieu, résiste à toute spéculation hasardeuse ; Mahomet ne s’y est pas trompé. Pour Louis Bouyer, tandis que Mahomet était prêt à reconnaître en Jésus la plénitude de la Parole de Dieu, il fut arrêté dans son élan par une présentation inadéquate du mystère divin. Notre auteur repère ainsi certains égarements chrétiens : le dythéisme est le dédoublement entre un Dieu transcendant inaccessible et un bon Dieu tout immanent. Le trithéisme oublie l’unicité de Dieu au profit de l’exaltation des personnes divines, et s’évanouit en concepts qui oublient la simplicité de la confession de foi trinitaire ; il est à l’origine de la réduction du Verbe incarné en un simple homme fait Dieu, le jésuanisme ; il produit également une métaphysique séduisante mais boiteuse, incapable de rendre compte du Dieu unique en trois personnes.

Louis Bouyer met en avant les limites de la protestation prophétique de l’islam [15], comme du judaïsme post-chrétien. Refusant le mystère de la Trinité et celui de l’Incarnation du Verbe, leur gnose initialement prophétique a tendance à dégénérer en gnosticisme néo-païen, voire hérétique. En particulier, force est de constater que leur élaboration spéculative conduit à la méprise :

Cette méprise […] ne sera surmontée définitivement par la pensée mystique, de l’islam comme de Juda, que lorsque l’un et l’autre auront pu reconnaître et accepter, dans l’évangile du Christ Jésus, par-delà les caricatures de l’Incarnation et de la Trinité fournies par les chrétiens eux-mêmes, la religion du Père.

La protestation prophétique d’Israël et de l’islam ne peut être comprise que dans un sens large. Même si elles sont le théâtre de la poussée de l’Esprit, les religions ne peuvent accéder à la vérité qu’en reconnaissant en Jésus-Christ l’unique expression de la religion du Père. Dans la conclusion du Père invisible, Louis Bouyer se moque des chrétiens qui affirment que non seulement le salut éternel, mais également les plus hautes expériences mystiques, sont accessibles à un bouddhiste par son bouddhisme, à un hindouiste par son hindouisme [16].

Le musulman et le juif doivent également reconnaître le Christ unique sauveur de l’humanité pour entrer dans la vérité du salut comme de la mystique.

Conclusion

Louis Bouyer apporte les réflexions d’une histoire des religions associée à l’œuvre universelle de l’Esprit saint. Il met en exergue la nature profondément religieuse de l’humanité, telle qu’elle est attestée dans l’activité rituelle exprimée par les mythes. Les religions ne sont pas entièrement l’œuvre des hommes ; il y demeure des traces laissées par Dieu dans sa création.

Le christianisme, quant à lui, exauce les désirs de l’homme au-delà de tout ce qu’il pouvait imaginer. Le mystère de l’Incarnation exalte la radicale nouveauté du christianisme, qui est la religion de la grâce, la religion du Dieu qui se révèle et se donne librement à l’homme.

La poussée de l’Esprit saint dans les cultures et religions suscite – envers et contre tout, en dépit des erreurs et des replis humains – des prophètes dans l’histoire. D’une manière audacieuse, Louis Bouyer parle de « protestation prophétique » pour la permanence d’Israël et la révolte de l’islam [17]. Comment interpréter ce prophétisme qui jaillit après le Christ et en dehors de l’Église ?

L’Église est voulue par Dieu, instituée par le Christ et animée par l’Esprit ; l’Église est l’Épouse eschatologique du Christ ; dans sa Sagesse éternelle, Dieu appelle toute l’humanité à rejoindre l’Église pour s’unir à l’Agneau.

Ce que l’Apocalypse johannique appelle les Noces de l’Agneau, l’union parachevée du Fils éternel avec l’Église des derniers temps, assumera, dans la pure confession d’un christianisme surmontant toutes ses tentations historiques, la vérité de la protestation prophétique d’Israël comme de l’islam.

Pour Louis Bouyer, l’Esprit, qui suscite la protestation prophétique agit au service du projet de récapitulation de toute l’humanité dans le Fils unique. Il anime continuellement l’Église pour qu’elle puisse dévoiler aux yeux du monde l’authentique religion du Père manifestée dans l’Évangile du Christ Jésus.

Nous le savons, Louis Bouyer interprète de manière différente la permanence d’Israël et la révolte de l’islam. Quoiqu’il en soit de l’éventuel accueil du Messie par Mahomet au début de sa période mekkoise, l’attitude de ce dernier envers les chrétiens s’est progressivement durcie au fil des années. Il semble difficile de reconnaître une prophétie durable de l’Esprit dans une religion qui s’oppose au message évangélique [18].

À l’inverse, Louis Bouyer met en avant la continuité du prophétisme biblique, et donc ce qui unit judaïsme et christianisme.

Jésus est né au sein du peuple juif. Il a eu la claire conscience d’accomplir toute la Loi par sa vie et son mystère pascal. La permanence d’Israël demeure un mystère pour le chrétien. Saint Paul lui-même, dans les chapitres 9 à 11 de l’épître aux Romains, a cherché à expliciter le sens et la portée de ce mystère. Mieux encore, l’Église découvre son lien avec le judaïsme en scrutant son propre mystère [19]. De manière complémentaire, Louis Bouyer souligne que « chaque chrétien comme toute l’Église ne peut entrer et progresser dans le mystère du Christ qu’en repassant comme en raccourci, selon une série de transpositions successives, par toute l’histoire d’Israël [20] ». En ce sens, « la survie religieuse du judaïsme devrait paraître providentielle aux chrétiens [21] ».

[1Pour un exposé complet, voir V. Guibert, À l’ombre de l’Esprit, Paris, Parole et Silence, 2009, p. 267-285.

[2Cf. Le métier de théologien. Entretiens avec Georges Daix, Paris 1979 20052 (MT), p. 117-118 : « La véritable situation de l’homme dans le monde c’est qu’il ne peut pas en rester au plan du mythe naturel qui exprime son déchirement entre Dieu et le péché. Il faut qu’il en sorte ou par en haut ou par en bas. Ou il se livre donc à la Parole de Dieu qui, au-delà des mythes, l’amène à la rencontre de Dieu et au rétablissement d’une relation avec Lui qui n’aurait pas dû être interrompue, ou il cède et, croyant rejeter tous les mythes, il se livre en fait à de nouveaux mythes proprement démoniaques. »

[3Cf. Le mystère pascal, Paris 1945, 19653 (MP), p. 231 : « Le sommet des religions terrestres, c’est, semble-t-il, la pensée suprême de Platon : il faut aimer Dieu, et rien comme lui n’est aimable. Mais l’origine de la révélation divine, c’est la pensée qui n’était jamais montée au cœur de l’homme : Dieu nous aime ; il nous aime infiniment, si peu aimables que nous soyons. »

[4MT, p. 107. Nous n’étudions pas les religions à mystères de l’Antiquité. Dans son ouvrage de 1986, Mysterion. Du mystère à la mystique, Louis Bouyer atteste la nouveauté irréductible du mystère chrétien. Également L. Bouyer, « Le mystère de Pâques », La vie intellectuelle, 13 (1945), p. 16-17 : « La liturgie pascale est là pour en témoigner. Elle a pu emprunter aux mystères humains le symbolisme de leurs rites, son propre mystère ne leur doit rien, mais lui seul leur donne tout leur sens, comme la réponse de Dieu aux attentes humaines, l’exaucement qui passe la prière. »

[5MT, p. 99 : « Il est vrai que la religion chrétienne a un caractère unique : elle est la religion de la Parole, la religion de la grâce, la religion du Dieu qui se révèle et qui se communique à l’homme sans que celui-ci puisse par ses propres forces s’élever jusqu’à Lui. Elle s’oppose donc aux autres religions, qui toutefois ne sont pas entièrement l’œuvre des hommes car en elles il y a certainement des traces laissées par Dieu dans sa création. » Le développement de Louis Bouyer peut être rapproché de celui de Jean Daniélou. J. Daniélou, « Christianisme et religions non chrétiennes », Études, 321 (1964), p. 326 : « Les religions font partie de la richesse de la création, dont elles sont un des plus merveilleux aspects. Comment le christianisme les détruirait-elles, lui dont la mission est, non d’abolir, mais d’accomplir, et qui vient sauver tout ce qui d’abord a été créé ? »

[6Cf. Le Rite et l’Homme, Sacralité naturelle et liturgie, Paris, 1962 (REH), p. 11-12.29 : « Justin pouvait à la fois reconnaître dans les plus diverses philosophies des semences du Verbe qui s’incarnerait et opposer le Dieu biblique aux idoles, le sacrifice “logique” aux sacrifices sanglants. »

[7Cf. Le Consolateur : Esprit-Saint et vie de Grâce, Paris 1980 (CONS), p. 377 : « Partout, lorsqu’on étudie l’histoire des civilisations, l’histoire de la religion, qui, non seulement y persiste mais y renaît sans cesse, malgré les déviations de la magie, de l’idolâtrie ou du simple rationalisme matérialisant, on a l’impression de poussées prophétiques de l’Esprit, d’entrevisions apocalyptiques de la vérité, de cette vérité de Dieu que toutes choses persistent à tenter de nous dire, mais que l’Esprit semble avoir tant de peine à nous faire écouter. »

[8Cf. CONS, p. 380 : « Le polythéisme populaire de l’hindouisme […] se prêtera, par la plus inattendue des métamorphoses dans le culte de Vishnou, à produire cette dévotion toute pure de foi, cette religion de grâce qui éclate dans la Bahgavad Gita ! Plus impressionnante, plus émouvante peut-être la manière dont ce qui semblait n’être qu’une ultime déformation populaire du Bouddha en est arrivé à susciter la merveilleuse figure de divine compassion d’Amida. »

[9Cf. CONS, p. 19-22 : « L’enthousiasme communicatif du chaman fait donc de lui comme un premier témoin de l’esprit divin qui nous surpasse, aux sources communes de la culture et de la religion, mais qui peut également, à travers les développements de celles-ci, nous remplir, nous transfigurer : littéralement nous inspirer comme il l’a inspiré le premier » (p. 22).

[10Cf. CONS, p. 23-26 : « On voit bien par tout cela comment le taoïsme, bien qu’il ne privilégie pas l’image de l’esprit ou des esprits, mais en se concentrant sur celle de la voie, a pu systématiser l’expérience primitive des cultures éveillées par le chamanisme : une expérience où l’immanence et la transcendance de cette réalité mystérieuse du spirituel paraissent d’emblée associées » (p. 25).

[11Cf. MT, p. 127. R. Otto, Mystique d’Orient et mystique d’Occident : distinction et unité, Paris, Payot, 1951.

[12Cf. MT, p. 128 : « Ce n’est que dans la tradition très particulière d’un unique livre de toute la tradition spirituelle de l’Inde ancienne, la Baghavad Gita, qu’on rencontre comme une ébauche de l’idée spécifiquement chrétienne d’un Dieu transcendant qui serait Amour et amour purement gratuit, généreux, appelant l’homme à répondre par une entrée en partage de son propre amour. » Louis Bouyer se demande si ce livre unique dans le bouddhisme ne fut pas influencé par des missionnaires syriens venus en Inde.

[13Cf. PI p. 295-296 ; et p. 298 : « Ne faut-il pas dire en vérité du mystique juif qui en est arrivé là – et nous ne pouvons douter que beaucoup y soient – que si même il refuse les formules de la Trinité et de l’Incarnation élaborées par les chrétiens, il commence à vivre déjà, sans parvenir à se l’exprimer pleinement à lui-même, ce mystère de l’amour éternel étendu à la création, que ces formules, jusqu’au plus haut degré de leur possible correction, sont bien loin de pouvoir exprimer de façon suffisante ? »

[14Cf. PI, p. 300.

[15L. Bouyer, « article Islam », dans Dictionnaire de théologie, Paris, Desclée, 1963, p. 351 : « Il est clair que Mahomet, d’une part, a confondu la croyance chrétienne à la Trinité avec le polythéisme, cependant que ce qu’il a retenu du christianisme est marqué par des influences docètes, ne voyant dans la crucifixion, et dans l’incarnation elle-même, qu’une apparence. »

[16Cf. PI p. 365.

[17PI p. 299.

[18Cette prise de position n’enlève rien à la valeur de l’islam dans lequel l’Esprit Saint peut agir. Il nous semble simplement que le terme « prophétie » est trop fort.

[19Cf. Nostra Aetate n° 4.

[20L. Bouyer, l’Église de Dieu, Corps du Christ et Temple de l’Esprit, Paris, Cerf, 1970, p. 646.

[21Idem, p. 647.

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