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Moines et ermites : des Pères du désert d’Égypte à ceux de l’Éthiopie contemporaine

Ugo Zanetti, o.s.b.

N°2014-4 Octobre 2014

| P. 247-262 |

Sait-on que l’expérience des Pères du désert, fondatrice entre toutes, demeure accessible, puisqu’elle se vit encore, dans des conditions presque analogues, en Éthiopie aujourd’hui ? Le voyage que nous propose l’auteur, à la découverte de ce monachisme contemporain, ne manquera pas de surprendre, d’amuser parfois, mais surtout, de faire réfléchir à cette existence faite, en définitive de tempérance, de discrétion, d’humilité ; destinée à « renouveler l’âme », l’ascèse conduit alors à vivre constamment avec Celui qui nous donne d’entrer joyeux dans la cité de Dieu.

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Dans la tradition chrétienne, la vie monastique est souvent assimilée à une « vie selon la sagesse » ; les Pères de l’Église ne l’appelaient-ils pas « la vie philosophique [1] » ? On sait que c’est essentiellement en Égypte, aux iiie et ive siècles, que le monachisme prit son essor, et c’est en partie pourquoi les « Pères du désert » égyptiens sont restés comme un modèle et un point de référence ; leurs « apophtegmes », ces courtes historiettes porteuses chacune d’une leçon de sagesse, n’y sont d’ailleurs pas étrangères [2].

Les Pères du désert ont, depuis longtemps, atteint la perfection en passant à un monde meilleur. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’expérience dont ils ont vécu nous est accessible autrement que par les livres et les fouilles archéologiques. Elle se vit encore, dans des conditions presque analogues aux leurs, dans l’Éthiopie d’aujourd’hui.

L’Éthiopie, un « musée de cultures »

On entend souvent dire que l’Éthiopie est un « musée de cultures », et une exposition l’a rappelé naguère [3]. Qui prononce cette phrase pense, d’ordinaire, aux riches réalités ethnologiques qu’il est encore possible de « toucher du doigt » le long de la frontière éthiopo-soudanaise, à moins qu’il ne fasse allusion aux techniques traditionnelles encore pratiquées dans diverses régions de la Corne de l’Afrique. On évoque plus rarement la manière de vivre des chrétiens.

L’Européen qui fréquente les chrétiens d’Éthiopie retrouvera pourtant chez eux – du moins s’il a lui-même une bonne connaissance de l’histoire du christianisme – un grand nombre de ces détails de la vie quotidienne que l’Écriture sainte, les écrits des Pères de l’Église ou les récits hagiographiques rapportent comme allant de soi, mais qui sont si différents de notre manière de faire habituelle que nombre d’éditeurs s’estiment obligés de les expliquer. Certes, la vie change, même en Éthiopie, et nos successeurs n’auront sans doute plus guère la chance de voir de leurs yeux ces détails si éclairants pour une compréhension authentique du passé ; il convient donc d’en faire état avant qu’ils ne disparaissent.

Soyons clairs : pas mal des traits qui vont suivre ne sont nullement spécifiques du christianisme ; ils correspondent simplement à la manière de vivre d’une société préindustrielle, dans laquelle les liens familiaux et tribaux sont encore vigoureux, et caractérisent les musulmans ou les adeptes des religions traditionnelles tout autant que les chrétiens. Mais, vu que le christianisme est, lui aussi, né dans une société préindustrielle, ces traits éclairent son passé et permettent de mieux le comprendre : cela mérite bien quelque attention.

La vie quotidienne des chrétiens d’Éthiopie

Ainsi, ce n’est qu’en Éthiopie, assis autour du plat commun et « honoré » du rituel de la « bouchée » que nous avons pu situer certains détails de la Dernière Cène (Jn 13,26) : il est en effet habituel, pour manifester sa sympathie envers un hôte ou celui que l’on désire honorer, de « le nourrir » en lui présentant une bouchée [4]. L’Européen qui fréquente des amis éthiopiens sera sans doute aussi stupéfait de voir les jeûnes prolongés que ses hôtes s’imposent [5] ; ce n’est d’ailleurs que le complément de la sobriété naturelle de ces peuples. Par ailleurs, comme tous les montagnards [6], ils sont capables de parcourir à pied d’immenses distances et, lorsqu’ils assistent aux offices liturgiques, passent de longues heures debout ; en outre, s’il s’agit d’un office pénitentiel, on les verra souvent exécuter un nombre impressionnant de « métanies [7] ».

Les Éthiopiens ne sont certes pas les seuls à le faire : l’usage du plat commun est répandu en bien des régions d’Afrique ou d’Asie, et tout le monde sait que la plupart des peuples qui ne peuvent pas être considérés comme des « pays riches » ont conservé une sobriété alimentaire et une résistance physique que l’excès de confort a fait disparaître de nos régions. Quant aux jeûnes, à la station debout, aux longs offices et aux métanies, d’autres chrétiens d’Orient – et en particulier les coptes – les pratiquent de la même manière. Mais le spécialiste des textes chrétiens antiques ne peut manquer d’être intéressé par le fait que ces traits sont tous réunis simultanément, faisant ainsi revivre le passé sous ses yeux [8].

Ce « passé rendu présent » se retrouve jusque dans la vie sociale : comme aux premiers siècles, à côté des moines et moniales vivant loin dans le désert, on en rencontre d’autres (ou les mêmes, à d’autres moments de l’année) en ville, à l’église paroissiale ou faisant leurs emplettes au marché ; ils exercent souvent un rôle de conseiller spirituel. Jusqu’il y a peu, ces religieux, comme la plupart des membres du clergé, commençaient leur « carrière » (si l’on ose dire) dès leur plus jeune âge, se mettant au service d’un moine plus âgé qui les initiait à la vie monastique, leur enseignait les chants liturgiques et les commentaires de l’Écriture sainte (quand lui-même les connaissait), leur transmettant ainsi ce qui formait la base du « corpus culturel » de l’Éthiopie chrétienne. Les jeunes qui voulaient parfaire leurs connaissances changeaient de maître après quelques années, quitte à changer plusieurs fois afin de parcourir, au cours d’une période s’étendant sur une vingtaine d’années et à l’aide de plusieurs maîtres, la totalité de la « science religieuse » ; les plus cultivés arrivaient ainsi à acquérir les « quatre yeux » : la connaissance des commentaires de l’Ancien et du Nouveau Testament, la science liturgique et l’art du qenié (poésie religieuse éthiopienne). La situation a désormais changé, mais l’on rencontrera encore bien des adultes qui ont été formés de cette manière, comparable au cursus que suivaient les clercs de notre Moyen Âge occidental.

Dans ce milieu social, il n’est point étonnant que les moines accomplissent, quotidiennement et sans y penser, ce qui apparaît aux étrangers comme des « prouesses » : jeûnes exceptionnellement longs [9], veilles et prières dans des conditions extrêmement pénibles [10], métanies en série, vie dans des conditions d’un inconfort et d’une précarité extrêmes, à l’air libre ou dans un minuscule trou de grotte exposé à tout vent [11], et parfois dans un total isolement. On peut y ajouter le port de chaînes à même le corps, pratiqué par certains moines ou moniales.

Un exemple concret : un monastère que nous avons visité se trouve au sommet d’une montagne ; il n’y jaillit qu’une petite source au débit très réduit, dont l’eau suffit à peine aux nécessités alimentaires et n’est d’ailleurs pas potable, ce qui impose aux habitants la pénitence, particulièrement rude à nos yeux, non seulement de n’utiliser que de l’eau bouillie, mais aussi de renoncer à se laver ne fût-ce que les mains [12] !

Constatations anthropologiques

Le spécialiste des études chrétiennes n’est pas seul à éprouver devant ces faits une surprise teintée d’intérêt : il y a quelques années, un anthropologue américain, William Bushell [13], avait été frappé par le fait que nombre de phénomènes rapportés par les revues spécialisées en « psychosomatique » se rencontraient presque à chaque page dans les Vies de saints anciennes, et en particulier dans celles de l’Éthiopie ; il a cherché à savoir si ces phénomènes – que le rationalisme moderne tend à discréditer et à interpréter soit comme des « racontars », soit comme des « effets littéraires [14] » – pouvaient se voir de nos jours. Ayant reçu une réponse positive, il mit sur pied une expédition de plusieurs années [15], avec l’aide de son épouse (également anthropologue) et d’un assistant éthiopien ; les premiers résultats de son enquête furent communiqués lors d’une conférence internationale d’études éthiopiennes.

Nous avons tâché de vérifier, en nous adressant à des amis compétents dans ce domaine, que les études en cours tendent toutes à renforcer les résultats acquis par Bushell et à lui trouver des parallèles dans d’autres civilisations. De notre point de vue, le problème n’est pas de fournir une explication, vu que nous ne sommes ni médecin, ni anthropologue, mais d’établir que, grâce à ces constatations faites par des savants contemporains, il est peut-être possible de mieux pénétrer les secrets des Pères du désert du IVe siècle, auxquels tant de chercheurs consacrent des études sans toujours parvenir à saisir ce qui pour eux était l’essentiel.

Pour résumer maintenant en quelques mots, et en français, la théorie proposée par Bushell, on pourrait dire que des pratiques ascétiques – comme la privation de sommeil, la privation de stimulations sensorielles (isolement), les mortifications, et éventuellement le contrôle de la respiration – et spirituelles – comme la prière ou la méditation – donnent lieu à la constatation de phénomènes inhabituels comme l’auto-régulation de la température du corps, la minimisation ou la prévention des traumatismes physiques normalement consécutifs à une blessure ou une brûlure, et une stimulation du système immunitaire qui se traduit par l’absence de maladies ou une longévité peu commune ; l’explication fournie est que les pratiques ascétiques et spirituelles en question provoquent un « état modifié de la conscience » (abrégé EMC) qui a le pouvoir de stimuler les fonctions psychophysiologiques.

Une relecture des Apophtegmes

Comme l’a souligné Bushell, il est aisé de retrouver nombre de traits propres aux ascètes éthiopiens d’aujourd’hui dans la littérature hagiographique ou patristique. Il nous a, dès lors, paru intéressant de relire, à partir de ce point de vue, les « Apophtegmes des Pères du désert », pour y chercher des attestations parallèles.

Deux réserves, d’abord. D’une part, pour rester en harmonie avec l’étude de Bushell, qui n’a relevé ni les phénomènes de guérison d’autrui, ni ceux de vision, afin de garder à sa démonstration un caractère scientifique et reproductible [16], nous nous sommes abstenu de faire état des apophtegmes qui en parlaient (ils sont d’ailleurs assez rares). D’autre part, nous n’avons pas trouvé dans les apophtegmes de récit qui décrive une pratique de contrôle de la respiration, à laquelle Bushell fait allusion (« breath control ») ; cette technique n’était sans doute pas formalisée à l’époque, même si on a pu montrer que la « Prière de Jésus » était déjà pratiquée [17].

Phénomènes hors du commun

En ce qui concerne les « phénomènes hors du commun », les apophtegmes sont d’ailleurs eux-mêmes d’une sobriété digne de ceux dont ils nous parlent, et c’est sans aucun doute une marque de leur « sagesse » : il n’y a guère de doutes que, sauf peut-être de rares exceptions, les histoires qu’on y rapporte reflètent le vécu [18]. C’est ainsi que, par deux fois, on y rapporte qu’un Père en prière apparaissait comme « transformé en feu », et qu’à une autre reprise un moine vit l’abbé Joseph dont « les doigts devinrent comme dix lampes de feu [19] ». On n’est certes pas obligé de prendre ces expressions au sens strictement matériel, contrairement à celle qui nous rapporte que : « Une autre fois, je le vis prier et demander au Seigneur : “Donne-moi la grâce d’être ami du feu.” Ayant fait du feu, il s’agenouilla au milieu, priant le Maître [20] ». Le moine ravi, en extase, pendant sa prière peut aussi simplement être qualifié comme tel : c’est le cas de l’abbé Pœmen, de Silvain ou de Tithoès [21] ; la discrétion même avec laquelle le fait est rapporté nous paraît témoigner que ce cas devait être plus fréquent qu’on ne nous le dit explicitement : le bénéficiaire de cette extase ne peut la nier, mais on voit bien qu’il préfèrerait de loin n’avoir pas été vu. Ainsi Tithoès 1 : « On disait de l’abbé Tithoès que, s’il ne baissait bien vite les bras quand il se tenait debout en prière, son esprit était emporté en haut. Si donc il arrivait que les frères priassent avec lui, il se dépêchait d’abaisser les bras, pour que son esprit ne soit pas enlevé et qu’il ne s’attarde dans les hauteurs. »

Macérations extraordinaires

Sauf en matière de jeûne (auquel nous reviendrons), la même sobriété est de mise dans la description des pénitences et macérations extraordinaires auxquelles se livraient ces ascètes hors du commun. C’est ainsi que, contrairement à certaines hagiographies qui relèvent manifestement des « passions épiques [22] », on ne trouve que des pénitences, certes particulièrement pénibles, mais en définitive comparables à des austérités attestées à notre époque par des anthropologues : Bessarion, Sérapion, Onuphre et les fameux moines « Réchabites » vivent à l’air libre et presque comme des animaux sauvages [23] ; quelques moines prolongent de manière extraordinaire la station debout (qui est aussi la position de la prière) : Bessarion encore, Bane et, bien sûr, le plus célèbre de tous les stylites, saint Syméon (qui est syrien [24]). Par contre, il semble que l’usage d’instruments externes de pénitence, comme le port de chaînes ou l’usage d’un fouet, soit particulièrement rare, puisque nous n’en avons trouvé qu’un seul cas : pour inciter son âme à pleurer ses péchés, un moine se fouettait vigoureusement le corps [25].

En revanche, il n’est guère possible de trouver en Égypte une rivière glacée, à la fois parce que la seule « rivière » est le Nil et ses canaux, et parce qu’il n’y gèle jamais. Il peut toutefois y faire assez froid en hiver, comme le rapporte cet apophtegme où l’on voit l’abbé Sérapion donner à un pauvre transi de froid sa propre tunique, en se disant : « Comment moi qui passe pour un ascète suis-je vêtu d’une tunique alors que ce pauvre, ou plutôt le Christ, se meurt de froid [26] ? » Mais on peut trouver des pénitences équivalentes : c’est ainsi que saint Macaire le Citadin se punit lui-même d’une injustice qu’il avait involontairement commise en passant plusieurs jours dans les marais du Wâdî al-Natroun, où il était dévoré par les moustiques [27].

Les « comportements inhabituels » peuvent d’ailleurs avoir d’autres mobiles que la pénitence. Ainsi, le jeune Zacharie se défigura en se plongeant dans les étangs de nitre non par désir de se mortifier, mais pour couper court à toute médisance relative à son aspect juvénile [28]. Quant à l’abbé Agathon, on disait de lui « qu’il passa trois ans portant un caillou dans la bouche, jusqu’à ce qu’il ait appris à se taire [29] ».

Une vie faite de tempérance

Car, à l’opposé de l’image d’Épinal qui représente les Pères du désert comme des excentriques toujours en quête de nouvelles limites à franchir dans le domaine des mortifications [30], le trait principal qui ressort d’une lecture attentive des apophtegmes est celui de la tempérance. Ainsi, le P. Devos a bien fait ressortir que la « règle d’or » était celle qu’avait définie Cassien : « La règle générale à suivre quant à l’abstinence consiste à s’accorder, selon ses forces et son âge, ce qu’il faut de nourriture pour sustenter le corps, pas assez pour l’assouvir [31]. » Le but de cette ascèse, ce n’est pas l’« exploit », bien sûr, mais d’arriver à la totale maîtrise de soi : « Un régime assez sec et régulier, si l’on y joint la charité, conduit promptement le moine au port de l’impassibilité (apátheia) [32]. »

Une autre voie, complémentaire, pour y parvenir, est la stabilité, comme l’a dit l’abbé Ammonas : « Assieds-toi plutôt dans ta cellule, mange un peu chaque jour et garde continuellement dans ton cœur la parole du publicain, et tu peux être sauvé [33] » ; elle se justifie par la nécessité d’éviter les distractions, comme nous le rappelle, une fois de plus, Cassien : « Pour soigneux et vigilant que l’on soit, il est impossible d’éviter [la] dissipation, et même de s’en apercevoir, à moins de se tenir constamment cloîtré, corps et âme, entre les murs de sa cellule [34]. »

Si donc certains moines poussent l’ascèse jusqu’à des bornes qui nous paraissent excéder la raison, c’est parce que, généralement préparés dès l’enfance à être sobres, et entraînés par les coutumes monastiques, ils avaient développé cette capacité, et ne voulaient surtout pas s’arrêter en si bon chemin, « se reposer sur leurs lauriers » (si l’on ose dire), de peur que leur cœur ne sombre dans l’indifférence et le manque de vigilance. On voit ainsi Arsène et Daniel réduire à presque rien leur temps de sommeil [35], Macaire le Citadin et un abbé anonyme avoir pour règle ordinaire de ne manger qu’une seule fois par semaine [36], les scétiotes en général, et d’autres encore, se contenter de pain et de sel, sauf le dimanche [37], Jean le Nain (Colobos) et Zacharie garder le silence [38].

Et, à la vérité, les moines savent aussi qu’une même austérité peut peser de manière bien différente sur l’un et sur l’autre : un des plus beaux apophtegmes nous rapporte la réflexion d’un moine du peuple, qui avait été berger avant de rejoindre Scété, à propos d’Arsène, ancien haut dignitaire à la cour de l’empereur Théodose ; s’étant scandalisé du confort – à vrai dire bien léger – octroyé à l’abbé Arsène, malade, il fut repris par le prêtre qui lui fit comprendre la grandeur du renoncement consenti par cet ancien ministre devenu moine. « À ces mots, le vieillard fit une métanie en disant : “Pardonne-moi, abbé, j’ai péché ; oui, voilà vraiment la voie véritable, car il est venu, lui, à l’humilité, et moi au bien-être.” Et il se retira édifié [39]. »

Les phénomènes exceptionnels

De même que l’essentiel de l’ascèse était la tempérance, l’essentiel des phénomènes exceptionnels, était la leçon qui s’y rattachait.

Tel est bien le cas de l’apophtegme où abba Élie de Scété raconte lui-même que, pour obtenir d’être accepté comme disciple par l’abbé Hiérax, il dut pousser l’obéissance jusqu’à mettre la main au feu (« Et je mis la main sur le feu. Je la laissai jusqu’à ce qu’elle fût noire et, s’il ne l’eût pas prise et ne l’eût enlevée, je ne l’avais plus [40] »), où la « pointe » de l’histoire est évidemment le « miracle de l’obéissance », non le phénomène de guérison. Il en va de même de l’abbé Jacques, déjà cité, qui s’agenouilla au milieu du feu non par désir d’accomplir un exploit, mais pour éprouver sa propre foi [41].

On rangera dans le même registre, bien qu’ils soient moins spectaculaires, les phénomènes d’auto-guérison, qui ne sont qu’une autre expression de la maîtrise de son organisme : abba Dioscore, un scribe devenu moine, souffrit beaucoup du changement de train de vie et, en particulier, « ses pieds eurent la gangrène ; il ne leur donna aucun remède et n’en informa personne, mais il recouvrit ses pieds de morceaux d’étoffe jusqu’à ce que le Seigneur lui donnât le repos [42] ». Abba Dioscore est ainsi arrivé d’un seul coup au point qu’un de ses confrères n’atteignit qu’en deux fois : un moine tenté par l’avarice avait mis de côté un peu d’argent, à tout hasard ; atteint par la gangrène, il dépensa en médecins toute sa réserve, sans obtenir la guérison ; au moment où le médecin vient pour l’amputer, il réalisa la faute qu’il avait commise, s’en repentit sincèrement et fut guéri juste à temps [43].

La discrétion monastique

Qui cherche à collecter les phénomènes exceptionnels en trouvera une vingtaine au chapitre XIX de la collection systématique, intitulé « De ceux qui font des miracles [44] » : c’est peu malgré tout, surtout si on le compare à d’autres chapitres, beaucoup plus longs. La « discrétion monastique » n’y est pas étrangère : les ascètes ont toujours eu une tendance naturelle à dissimuler ce qui excède le cadre ordinaire [45], et la situation n’a guère changé de nos jours, comme le savent bien ceux qui ont l’habitude de les fréquenter.

L’humour est d’ailleurs souvent présent dans ce genre d’informations. C’est ainsi que le P. Leloir avait rapporté, avec plaisir, quelques historiettes montrant qu’il ne fallait pas prendre les Pères du désert pour plus rébarbatifs qu’ils ne l’étaient en réalité [46] ; de même, l’auteur de la Vie de saint Jean de Scété rapporte à propos de ce dernier, mort à l’âge de 90 ans, qu’il accomplit tous les jours, jusqu’à la fin de sa vie, un nombre incroyable de métanies, « et c’est pourquoi je passe leur nombre sous silence, afin que l’on ne croie pas que [ce nombre] est fantaisiste [47] » !

L’humilité, seule vertu « victorieuse des démons »

La racine de cette discrétion est la profonde conscience de tous les intéressés que les « exploits » ne sont qu’un moyen : la seule vertu qui compte, celle qui est « victorieuse des démons », c’est l’humilité. C’est dit et répété à satiété tout au long de nos récits, et illustré par le chapitre XV de la collection systématique [48]. Nombre d’historiettes rappellent la même vérité, à commencer par sa première application concrète, à savoir la nécessité de s’abstenir de juger les autres. Ainsi, l’abbé Longin a dit : « De même qu’un cadavre ne mange pas, ainsi l’humble ne peut juger un homme, même s’il le voit adorer les idoles [49] ». En revanche, l’abbé Évagre a dit : « Le commencement du salut, c’est la condamnation de soi-même [50]. » Et de même, l’abbé Isaïe : « Aimer la gloire des hommes engendre le mensonge, mais la repousser dans l’humilité augmente la crainte de Dieu dans ton cœur [51]. » Faut-il y voir une forme de masochisme ou d’autodépréciation de soi ? Ce serait un peu court !

L’abbé Jean le Nain (Colobos), un des « champions » en matière d’humilité [52], explique : « L’humilité est la porte de Dieu, et nos Pères en passant par beaucoup d’outrages sont entrés joyeux dans la cité de Dieu [53] » ; et un démon a explicitement reconnu devant Macaire : « Tout ce que vous [les moines] avez, nous l’avons aussi : c’est par la seule humilité que vous vous distinguez et l’emportez sur nous [54]. »

La justification scripturaire de cette vérité théologique est donnée par Jean de la Thébaïde : « Le moine doit avant tout posséder l’humilité ; car c’est le premier commandement du Seigneur, quand il dit : “Bienheureux les pauvres en esprit, car c’est à eux qu’appartient le royaume des cieux” (Mt 5,3) [55]. » Un théologien qui se placerait du point de vue dogmatique pourrait à bon droit commenter cet apophtegme de Macaire en expliquant que l’humilité est aussi ce qui fait la différence entre le diable et Dieu, du moins « Dieu » tel que les chrétiens l’entendent…

Sagesse et sens de la vie

Nous sommes ainsi ramenés à la question vitale : pourquoi les Pères du désert du IVe siècle, tout comme les ermites d’aujourd’hui, en Éthiopie et ailleurs, pratiquent-ils pareille ascèse ?

Pour eux, elle n’est nullement un but en soi, quoi que puissent en penser des étrangers. Elle est – comme Bushell l’a définie en termes anthropologiques – un moyen d’acquérir un « état modifié de conscience » (EMC), grâce auquel ils peuvent vivre la réalité sur un mode différent ; il se fait que leur ascèse peut produire une « stimulation de fonctions psycho-physiologiques [56] », qui se trouve à l’origine de « phénomènes inhabituels » propres à attirer l’attention ; mais le seul but de l’ascète, c’est de « purifier l’âme ». Comme l’a bien dit saint Antoine : « Rien ne renouvelle l’âme vieillie comme la crainte de Dieu, la belle prière et la méditation incessante des paroles du Seigneur, en se munissant de la prière, en poursuivant le profit des veilles et en se privant d’eau [57]. »

Face à ce désir de « renouveler l’âme », même la santé est secondaire : « Il y avait aux Cellules (Kellia) un frère qui était arrivé à une telle humilité qu’il disait toujours cette prière : “Seigneur, envoie-moi une maladie, car quand je me porte bien, je te désobéis [58]”. » Et les « charismes » – ou, pour employer un langage plus anthropologique, l’aptitude à susciter des « phénomènes inhabituels » – le sont tout autant : un ancien avait prié Dieu pendant sept ans pour obtenir un charisme, et celui-ci lui fut donné, mais il eut le tort de ne point le cacher, et un autre Père du désert, qui l’avait entendu en parler, lui conseilla de passer sept autres années à prier Dieu de bien vouloir lui enlever ce charisme, puisqu’il ne lui était d’aucun profit [59] ! En effet, puisqu’il n’avait point été capable de le cacher, c’est qu’il en était fier (tant était grande la délicatesse de conscience des Pères du désert), et cela ne pouvait que lui faire du tort, en ouvrant dans son cœur une issue à l’orgueil. Le « phénomène inhabituel » – qu’il s’agisse de résistance à des traumatismes, de la capacité de résister à des privations extraordinaires ou même de la possibilité d’influencer autrui pour lui apporter une guérison souhaitée – peut, certes, exister, et il sera même reconnu comme « normal » par les ermites comme par bien des personnes de leur entourage, tout pénétrés de la Bible, des Vies de saints et des récits de miracles. Pour l’anthropologue d’aujourd’hui, il pose une question, comme W. Bushell l’a constaté au contact des ascètes éthiopiens de notre fin de siècle ; pour celui qui en est l’auteur, il ne s’agit que d’un épiphénomène de la question essentielle de sa vie, celle que déjà saint Antoine le Grand se posait au IIIe siècle de notre ère : « Que dois-je faire pour plaire à Dieu [60] ? »

[1En prenant, bien sûr, le mot « philo-sophique » au sens étymologique (cf. Lampe, A Patristic Greek Lexicon, s.v. filósofos et filosofía).

[2La bibliographie sur les apophtegmes, spécialement en français, s’est multipliée au cours des cinquante dernières années, en bonne partie grâce à dom Regnault. Ici, les apophtegmes sont identifiés exclusivement d’après les numéros qu’il leur a assignés (ils diffèrent parfois des numérotations antérieures). En particulier, les apophtegmes porteurs d’un « S » entre le nom et le chiffre (par ex. « Jacques S 2 ») constituent un supplément aux collections éditées, (identifié par le P. J-Cl. Guy, sj). Par ailleurs, et à parler avec précision, les moines du nord de l’Égypte étaient plutôt des « ermites vivant en communauté » : ils habitaient chacun seul dans leur cellule, parfois avec un ou deux disciples, regroupés dans des espèces de villages monastiques, ce qui leur assurait la présence d’une église, d’un point d’eau et, quand il le fallait, le secours des confrères.

[3Cf. Æthiopia. Peuples d’Éthiopie, catalogue de l’exposition qui s’est tenue au Musée royal d’Afrique centrale (Tervueren) de mars 1996 à décembre 1997, édité chez Gordon and Bridge par l’ASBL Cultures et Communications, Waterloo, 1996.

[4Le pain ayant la forme d’une galette plate, on en prend un morceau que l’on roule, après y avoir placé des aliments (viande, etc.), et on le met littéralement dans la bouche de l’hôte.

[5Pratiquement tous, même les laïcs les moins « pratiquants », passent tout le carême (55 jours) sans aliments protéinés (la règle est : « rien qui provienne de l’animal », donc ni viande, ni œufs, ni laitages). La plupart des chrétiens « ordinaires » restent jusqu’au soir sans manger ni boire les jours de jeûne ; les plus fervents d’entre eux « joindront » facilement plusieurs jours.

[6N’oublions pas qu’une bonne partie de l’Éthiopie est située au-dessus des 2000 m d’altitude, et ce sont d’ailleurs ces hauts-plateaux qui, depuis des temps immémoriaux, forment l’habitat préféré des populations chrétiennes.

[7Prosternations pénitentielles au cours desquelles on touche le sol avec le front, normalement sans que les genoux touchent terre ; elles supposent une certaine souplesse acquise dès l’enfance. Elles sont traditionnelles dans toutes les Églises chrétiennes d’Orient, et remontent à l’Antiquité (laquelle ne distinguait d’ailleurs pas toujours « génuflexion » de « prosternation » : cf. l’article « Génuflexion » dans DACL [Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de Liturgie], 6/1, col. 1017-1021, article qui pourrait être notablement affiné de nos jours).

[8Nous pensons surtout à l’Orient chrétien antique, mais la réflexion vaudrait tout autant pour les Vies de saints irlandais du haut Moyen Âge, comme on le remarquera, par exemple, à la lecture de l’article « Génuflexion » cité à la note précédente.

[9Il est assez courant pour un ascète de ne manger qu’une fois par semaine en carême (et il s’agit alors d’une alimentation purement végétarienne) ; et d’aucuns pratiquent un régime encore plus austère. La comparaison avec les ascètes de l’Inde vient immédiatement à l’esprit.

[10Voir W. Bushell, Baidemariam Desta et K. Bushell, « From Hagiography to Ethnography via Psychophysiology : Towards an Understanding of Advanced Ethiopian Christian Ascetics », dans Proceedings of the Eleventh International Conference of Ethiopian Studies. Addis Abeba, April 1-6 1991 dans Bahru Zewde, R. Pankhurst et Taddese Beyene (éds), vol. II, Addis Abeba, 1994, pp. 41-60. On y rapporte le cas d’ascètes passant de longues heures en prière dans l’eau froide (pénitence qui était bien connue des premiers moines irlandais !). Il est aussi possible de voir des personnes prenant pour la prière, et gardant pendant plusieurs heures (si pas davantage), la posture dans laquelle saint Takla Haymanot est représenté, les bras levés et en équilibre sur une seule jambe.

[11En particulier, tous les touristes peuvent remarquer, dans la paroi rocheuse qui entoure certaines églises de Lalibela, des cavités à peine suffisantes pour permettre à un adulte de s’y tenir recroquevillé ; elles servent de refuge à des moines ou moniales venus en pèlerinage, et qui peuvent y passer quelques semaines, quelques mois ou même quelques années.

[12Bien sûr, un Occidental à l’esprit pratique pourrait songer à installer un système perfectionné pour retenir et recycler l’eau de pluie mais, justement, ce genre de soucis n’entre pas dans les priorités du monastère ; l’eau de la citerne, car il en existe une, est destinée aux besoins de l’église.

[13Cité note 11.

[14Et il n’y a certes aucun doute que certains de ces détails ne soient un produit de l’imagination populaire, ou une imitatio en bonne et due forme d’un modèle littéraire (Bible ou Vie de saint antérieure). Les constatations que nous allons rappeler devraient toutefois mettre en garde contre l’exagération inverse, qui consisterait à s’imaginer que tout ce qui paraît impensable pour les membres de notre société l’est « en soi » et n’a jamais pu se produire dans la réalité. D’ailleurs, l’imitatio peut aussi jouer un effet stimulant, et induire chez un individu des effets décrits dans des textes qui hantent sa mémoire, comme les textes sacrés (cf. Bushell,… p. 47, dernier alinéa).

[15Il signale avoir commencé en 1988, et était sur le point de terminer au moment du Congrès d’Addis Abeba, en avril 1991.

[16La vision ne peut pas être « constatée » scientifiquement ; quant aux guérisons d’autrui, à propos desquelles Bushell a relevé des témoignages, il a renoncé à s’en servir, car les moyens médicaux à mettre en œuvre pour « prouver » une guérison excèdent de loin ceux dont dispose un chercheur de terrain (cf. Bushell, note 6, p. 52).

[17Cf. L’apophtegme Éth. Coll. 13,26 (L. Regnault [dir.], Les sentences des Pères du désert, Abbaye de Solesmes, vol. 2 : Nouveau Recueil, 1970, p. 293 [tiré de la Collectio monastica éthiopienne]) ; A. Grillmeier, Le Christ dans la tradition chrétienne, II/4 : L’Église d’Alexandrie, la Nubie et l’Éthiopie après 451, en collab. avec Th. Hainthaler. trad. en français par Sr Pascale-Dominique, Paris, 1996 : voir pp. 267-269, et la bibliographie de la note 53, en particulier E. Lanne, « La prière de Jésus dans la tradition égyptienne », dans Irénikon, 50 (1977), pp. 163-203.

[18Ce qui ne signifie pas non plus que tout soit de même valeur : la plupart des récits ont nécessairement connu une phase de transmission orale, plus réceptive aux modifications. C’est d’ailleurs facile à voir : il suffit de comparer plusieurs apophtegmes rapportant la même anecdote.

[19Arsène 27 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 1981, 65. N 639 = Id. (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes, 1985 (qui est simultanément le n° 43 de la collection Spiritualité orientale publiée par l’Abbaye de Bellefontaine), 1639. Et Joseph 7 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 390. Pour un commentaire, voir Louis Leloir, O.S.B., Désert et communion. Témoignage des Pères du désert recueillis à partir des Paterica arméniens (= Spiritualité orientale, 26), Bégrolles-en-Mauge, 1978, pp. 226 ss.

[20Jacques S 2 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 964. Ce récit trouverait facilement son parallèle dans des constatations faites par des anthropologues contemporains.

[21Pœmen 144 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 718. Silvain 2 = Ibid., 857. Et Tithoès 1 = Ibid., 910 (ce dernier sera transcrit ci-dessous).

[22Cf. H. Delehaye, Les Passions des martyrs et les genres littéraires (= Subsidia Hagiographica, 13 B), pp. 213 ss., où l’on trouvera nombre d’exemples.

[23Cf. Bessarion 12 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 167. N 565 = L. Regnault, Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes, 1565 (Sérapion). La Vie d’Onuphre (cf. BHG 1378 ss) est résumée dans N 132 A et D = Ibid., 1132 A et D. Et Macaire 2 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 455, rappelle l’histoire de Zosime et des Réchabites (BHG 1889 ss).

[24Cf. Bessarion 6 et 8 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 161 et 163. Pour abba Bane : Ch [= Chaîne] 244 et 248 (=L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères, vol. 2 : Nouveau Recueil, pp. 279 et 280) ; et Ch 243 (= ibid., p. 278) pour S. Syméon stylite l’Ancien.

[25N 591 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes, 1591.

[26N 566 L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes, 1566. On pourrait aussi citer Ibid., 1592/3 (= collection de Paul Evergetinos, I, 13) : « N’aie pas de vêtement inutile suspendu dans ta cellule, parce que c’est la mort pour toi ; car d’autres gèlent, qui sont plus justes que toi, et toi, pécheur, tu as du superflu. »

[27Et c’est d’ailleurs pourquoi l’autre Macaire, qui était le prêtre de Scété, ne lui donna qu’une pénitence « légère », à savoir trois semaines de jeûne en ne mangeant qu’une fois par semaine (austérité dont Macaire le Citadin était coutumier) : Macaire l’Égyptien 21 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 474.

[28Carion 2 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 441.

[29Agathon 15 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, idem, 97.

[30Et, bien sûr, non sans raison, car il ne manque pas de textes qui y donnent prise : cf. P. Devos, « Règles et pratiques alimentaires selon les textes : le salut par l’ascèse ? », dans Le site monastique copte des Kellia. Sources historiques et explorations archéologiques. Actes du colloque de Genève, 13 au 15 août 1984, Genève, 1986, pp. 73-83 (ici p. 73).

[31Cassien, Conférences, II, 22 (éd. E. Pichery, dans Sources chrétiennes, 42 [Paris, 1955], pp. 133 ss), cité par P. Devos, « Règles et pratiques alimentaires… », p. 76.

[32Cf. Évagre 6 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 232 (citation du Traité pratique, 91).

[33Cf. Ammonas 4 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 116 ; la parole du publicain est, bien sûr : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis » (Lc 18,13). Voir aussi les apophtegmes Synclétique 6 = Ibid., 897 ; Biare 1 = Ibid., 173 ; et Arsène 2 = Ibid., 40.

[34Cassien, Conférences, XXIV, 3 (éd. Pichery, dans Sources chrétiennes, 64 [Paris, 1959], p. 174).

[35Cf. Arsène 14 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères..., vol. 4 : Collection alphabétique, 52. Et Ch 250 (L. Regnault [dir.], Les sentences…, vol. 2 : Nouveau Recueil, pp. 281 ss).

[36Cf. Macaire l’Égyptien 21 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 474 (cité à la n. 28 ci-dessus). N 641 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes, 1641. On trouvera d’autres exemples sur le jeûne dans P. Devos, « Règles et pratiques alimentaires… », cité plus haut.

[37N 242 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes, 1242. N 23 = Ibid., 1023.

[38Jean Colobos 32 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 347. Carion 1 = Ibid., 440 (concerne Zacharie).

[39Arsène 36 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, ibidem, 74. Cette même histoire revient, en une version quelque peu différente, dans l’apophtegme Romanos 1 = Ibid., 799.

[40L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 2 : Nouveau Recueil, p. 285 : Ch 270.

[41Jacques S 2 (cité ci-dessus : cf. note 21).

[42Ch 255 (=L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, ibidem, p. 282). Remarquons bien que le texte ne signifie pas nécessairement qu’il fut guéri : « le repos » peut aussi être une manière de désigner la mort ! Il se peut que, tout simplement, le P. Dioscore ait décidé de vivre avec la santé que le Seigneur lui donnait, sans s’en faire davantage, jusqu’à ce que le Seigneur l’ait rappelé à Lui. Le récit est ambigu, et cette ambiguïté même du texte nous révèle ce qui était vraiment important pour ces moines : non pas d’être en bonne santé, mais de vivre constamment en union avec le Seigneur, sans se laisser distraire par les aléas de la vie terrestre.

[43La faute était bien sûr celle d’avoir mis son espoir dans l’argent plutôt qu’en Dieu. Cette histoire revient deux fois : N 261 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes, 1261. Et N 493 = Ibid., 1493.

[44L. Regnault, Les chemins de Dieu au désert. Collection systématique des apophtegmes, Solesmes, 1992, pp. 319-326.

[45Bien sûr, la définition de « ce qui excède le cadre ordinaire » n’est pas univoque, et c’est ainsi que des étrangers peuvent être mis au courant, parfois presque sans l’avoir cherché, de phénomènes surprenants à leurs yeux : dans ce cas, il est probable que leur interlocuteur, dont les références culturelles sont tout autres, n’ait pas imaginé l’effet que cette « révélation » produirait sur eux. Ce genre de situations se produisait déjà dans le désert de Scété au ive siècle : cf. l’apophtegme Arsène 28 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 66. Et surtout N 486 A = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes, 1486 A (= BHG 1317 m et BHG 1438 q).

[46Louis Leloir, O.S.B., Désert et communion, p. 141 (Daniel de Scété et la supérieure), p. 142 (Éphrem et la prostituée), pp. 293-296 (le disciple sage de l’ancien insensé).

[47Cf. U. Zanetti, « La Vie de Saint Jean, higoumène de Scété au VIIe siècle », dans Analecta Bollandiana, 114 (1996), pp. 273-405 : § 273, pp. 362-363.

[48Cf. L. Regnault, Les chemins de Dieu au désert, pp. 225-263 (136 unités) : XV. « De l’humilité », chapitre bien mis en valeur par Louis Leloir, O.S.B., Désert et communion, pp. 206-215.

[49L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes, 1559 = N 559 (Paul Evergetinos, I, 45,24).

[50Évagre S 1 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes, 950 (ou Syst XV, 16/15) : cf. PG 79, 1249 C.

[51Syst XV, 21 (Isaïe 6/XIII 4 b) : L. Regnault, Les chemins de Dieu…, p. 231.

[52On relira avec profit tous les apophtegmes que la collection alphabétique rapporte à son sujet (L. Regnault [dir.], Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 316-355) ; rappelons simplement qu’il commença sa carrière monastique en recevant un fameuse leçon de son frère (Jean Colobos 2 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, idem, 317), et qu’il en tira un profit inépuisable. Il était devenu tellement humble qu’il pouvait, en toute vérité et simplicité, deviner le désir d’autrui et accepter qu’on lui rendît service (Jean Colobos 7 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, idem, 322).

[53Jean Colobos S 1 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 956 b (ou Syst XV, 34/22 a).

[54Macaire l’Égyptien 35 = L. Regnault (dir.), idem, 488.

[55Jean 2 = L. Regnault (dir.), Idem, 408 (ou Syst XV, 36/23 ; il s’agit de Jean de la Thébaïde, aussi appelé Jean de Lycopolis).

[56En anglais, respectivement ASC = « Altered State of Mind », et EPF = « Enhanced Psychophysiological Functioning », définis par Bushell,…, pp. 41 et 42. Nous n’avons pas à entrer dans la discussion technique relative à ces termes, qui ne sont pas des plus heureux lorsqu’on parle de vie spirituelle.

[57L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 5 : Série des anonymes, 1490/1 = K 295 (le texte grec, inédit, se trouve dans le ms. Paris B.N., Coislin 283, fol. 129v s).

[58N 504 (Paul Evergetinos, I, 45,76) = L. Regnault (dir.), Idem, 1504.

[59N 380 = L. Regnault (dir.), Idem, 1380.

[60Antoine 3 = L. Regnault (dir.), Les sentences des Pères…, vol. 4 : Collection alphabétique, 3.

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