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Le moine, ange de communion, selon saint Nil de Rossano

Michel Van Parys, o.s.b.

N°2015-4 Octobre 2015

| P. 266-284 |

Connaissez-vous saint Nil le jeune ? Aujourd’hui abbé de l’unique monastère basilien d’Italie, dom Michel van Parys nous présente cette haute figure, grâce à un dialogue du Xe siècle avec les moines bénédictins du Mont Cassin. Une lecture d’abord déconcertante, à travers une question insolite — le moine est-il un ange ? — et nous voici rapportés aux sources de l’Écriture comme à saint Basile, mais aussi, au dialogue que poursuivent entre elles des traditions monastiques très anciennes.

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« Le moine est un ange, et son œuvre est miséricorde, paix et sacrifice de louange [1]. » Telle fut la réponse du saint moine byzantin, Nil de Rossano, futur fondateur du monastère de Sainte-Marie à Grottaferrata, aux moines bénédictins du Mont-Cassin, lors d’une mémorable rencontre en 980.

Une pléiade de saints moines byzantins, entre les VIIIe et XIIe siècles, a vécu en Sicile, en Italie du Sud, et à Rome même. Suite aux invasions perses et arabes, ils ont fui le Proche-Orient et se sont établis dans des régions faisant alors partie de l’Empire byzantin. En ces terres, ils ont introduit les traditions du monachisme égyptien, antiochien et palestinien, tout en leur donnant une configuration spécifique. Saint Nil de Rossano est le plus connu et le mieux documenté des saints moines italo-byzantins.

La vie de saint Nil de Rossano

Résumons sa vie à grands traits [2]. Nicolas, le futur saint Nil, naît à Rossano en Calabre byzantine vers 910. Son éducation religieuse et profane est toute grecque, comme le montre sa profonde connaissance de la Bible, des Pères, de la liturgie, et son habileté remarquable de calligraphe-copiste. Vers l’âge de vingt ans, il se marie et a une fille. Ce n’est que dix ans plus tard qu’il s’engage après une grave maladie dans la voie monastique. Sa première formation ascétique est de courte durée et après quarante jours seulement il reçoit l’habit et le nom monastique de Nil. Après trois années dans un monastère cénobitique, Nil passe à la vie érémitique et habite une grotte. Toute sa vie ultérieure est marquée par cette expérience hésychaste, dont la nostalgie ne le quittera plus. Son charisme de père spirituel rassemble bientôt de nombreux disciples autour de lui. Son hagiographe note le déchirement éprouvé entre l’amour de la solitude et la charité pour ses disciples et frères. « Souvent il pensait à part soi à la douceur de l’hésychia, à l’insouciance que procure la pauvreté, au fait que le lutteur qui vit avec ses frères ne progresse pas vers la vertu, mais doit se faire violence pour ne pas régresser. Méditant tout cela il se trouvait très contrarié de vivre parmi le grand nombre et leur compagnie l’affligeait, parce qu’ils entravaient la contemplation spirituelle et de l’œuvre secrète intérieure dont seuls ont fait l’expérience ceux de l’envergure des Pères théophores Antoine, Arsène et Jean Colobos. À ces pensées, il opposait la parole de l’apôtre : Que personne ne cherche son propre intérêt, mais celui du grand nombre, afin qu’ils soient sauvés » (1 Co 10,24.33) [3].

L’expérience érémitique lui fait traverser toutes les épreuves habituelles : tourments physiques et psychiques, tentations, assauts des démons… Les incursions arabes obligent Nil à laisser vers 952 la Thébaïde italo-byzantine du Merkurion et à s’établir dans une propriété près de sa ville natale de Rossano. C’est là que les disciples, toujours plus nombreux, commencent à affluer, à son grand déplaisir. Une communauté se forme autour de lui, communauté dont il refusera jusqu’à sa mort d’être l’higoumène (supérieur). Une nouvelle incursion arabe détermine saint Nil à quitter définitivement la Calabre. Il cherche refuge en terre latine, au nord. Il s’agit d’un choix conscient de xeniteia, d’un renoncement à la célébrité, même monastique. Cela n’empêche pas l’hésychaste, à la fois intransigeant et tendre, de nouer de solides amitiés avec des moines latins, tels Léon et Jean, abbés du monastère des Saints-Alexis-et-Boniface sur l’Aventin à Rome, et avec saint Adalbert de Prague qui aurait voulu même devenir son fils spirituel (990). Vers l’âge de soixante-dix ans, il arrive à Capoue et peut se fixer grâce à l’amitié d’Aligerne, abbé du Mont-Cassin (948-985), dans un monastère dépendant de l’abbaye Saint-Michel à Valleluce (980). Il y reste quinze ans. La décadence qui s’installe au Mont-Cassin sous le successeur de l’abbé Aligerne le détermine à repartir dans un lieu plus austère pour y mener une vie plus pauvre. Les frères qui le suivent se fixent à Serperi près de Gaète (995). Une dernière fois, saint Nil et les siens fuient les honneurs et les aises matérielles en migrant encore plus vers le Nord, en 1004. Saint Nil meurt épuisé par la vieillesse à quelques pas du monastère de Grottaferrata le 25 septembre de la même année. Ses disciples et fils spirituels y ont maintenu depuis la tradition monastique et liturgique des moines byzantins d’Italie jusqu’aujourd’hui [4].

Nourri de la Bible et des Pères

La Vita de saint Nil le Jeune souligne tout au long la familiarité exceptionnelle de son héros avec les Saintes Écritures. Il les médite, les prie, les met en pratique. Point n’est besoin de redire ce que d’autres ont déjà relevé. Notons cependant ce passage caractéristique de la méditation scripturaire pratiquée par saint Nil : « Puisque l’apôtre dit que “toutes ces choses leur arrivèrent en figure, mais qu’elles furent écrites pour nous instruire” (1 Co 10,11), moi j’applique toute l’Écriture à moi-même. Car lorsque j’entends qu’Adam, Caïn et Lamech et tous les autres ont offensé Dieu, je pense qu’il s’agit de moi et non d’un autre [5]. »

Ajoutons un beau témoignage, tiré de la Vie de saint Bartholomée le Jeune, son disciple, sur la pratique de la lectio divina dans la communauté nilienne. Saint Nil expliquait souvent, en dialoguant, les passages obscurs de la Bible. Le faisait-il après l’Office matinal comme le laisse supposer le passage ? Nous sommes à Valleluce, probablement peu avant le départ des moines grecs vers Gaète, et Bartholomée est encore un tout jeune homme.

L’adolescent agréable à Dieu Bartholomée… Derechef dans ce monastère il reprit ses fatigues et labeurs d’antan, et de nouveau le jeune homme aimé de Dieu s’efforça d’atteindre les exploits passés. Il arriva une fois qu’on fit la lectio et que tous les frères s’endormirent. Bartholomée seul resta éveillé avec le père (Nil). Il rechercha le sens des passages difficiles de l’Écriture que ce grand homme expliqua. Le père s’étonna, au point de reprocher leur paresse aux autres frères entièrement vaincus par le sommeil, sans même vouloir veiller comme le garçon, dont il approuva le zèle et l’ardeur pour le bien.

Le fondateur du monastère de Grottaferrata était aussi un grand studieux des Pères de l’Église et des Pères monastiques. Citons pêle-mêle : Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze, Jean Chrysostome, Théodoret de Cyr, Jean Damascène, Ephrem, Jean Moschus, Marc le Moine, Théodore Stoudite et d’autres… Sa maîtrise du grec littéraire était exceptionnelle pour l’époque et le milieu. De plus, entré sur le tard dans la vie monastique, il possédait certainement une bonne culture profane. Parmi les Pères, saint Basile le Grand eut l’influence la plus déterminante sur l’organisation cénobitique que saint Nil voulait voir vivre par ses fils spirituels. Cela tient quelque peu du paradoxe de la part d’un moine aussi attaché à l’hésychia. La chose s’explique sans doute aussi par le fait que notre saint tenait pour authentiques certaines œuvres attribuées à Basile, que les études patristiques modernes lui ont refusées, telles les Constitutions ascétiques et le Prologue V. Nous découvrirons leur importance pour saint Nil dans la suite. Cette attribution basilienne permettait justement à saint Nil, et à tant d’autres, de ne pas voir de contradiction entre hésychasme et vie cénobitique. On peut parler d’une véritable imprégnation biblique et patristique de la pensée et de la sensibilité de notre saint. Les textes cités ou allégués ne sont pas de simples réminiscences, plus ou moins conscientes. Dans le cas de saint Nil et de son hagiographe, il s’agit d’authentiques renvois qui requièrent une attention précise aux passages cités et à leurs contextes.

Les rencontres avec les moines latins

La Vita parle de deux rencontres de Nil et de ses disciples avec les moines du Mont-Cassin [6]. Mais il est probable que les rencontres ont été plus fréquentes et que l’hagiographe en a voulu dégager toute la signification en les stylisant selon le schéma de deux visites rendues par les moines grecs à leurs confrères latins. « Les sources évoquant les relations de Nil de Rossano avec ses confrères latins tranchent par l’ampleur et la qualité de l’information sur les maigres données dont on est souvent obligé de se contenter dans l’étude des contacts de ce genre. Un dossier aussi remarquable, reflétant de surcroît un incontestable climat d’estime réciproque, a maintes fois retenu l’attention des chercheurs [7]… » Lisons quelques extraits significatifs.

La première rencontre

Le saint [Nil] partit visiter l’illustre monastère [Mont-Cassin]. La communauté des moines tout entière se porta à sa rencontre jusqu’en bas du mont, les prêtres et les diacres de la communauté revêtus, comme en un jour de fête, des ornements sacrés, portant cierges et encensoirs. C’est ainsi qu’ils firent monter le bienheureux au monastère. Il leur semblait entendre et voir rien de moins que la visite du grand Antoine leur arrivant d’Alexandrie ou du grand Benoît, leur divin législateur et maître, ressuscité des morts. Et ils avaient bien raison de le penser et ils ne se trompaient pas. Car tous ceux parmi eux qui souffraient de maux du corps ou de l’âme furent guéris et obtinrent de lui tout ce qui était approprié : les studieux l’enseignement, les manuels les directives, les pécheurs la correction, les vertueux l’encouragement, les bien portants la sobriété, les malades la guérison. Et pour le dire en peu de mots : comme la manne jadis se transforma pour chaque israélite selon sa complexion et son appétit (cf. Sg 16,20-29), et pour cette raison il n’y avait aucun malade dans leurs tribus (Ps 104,37), ainsi cet homme admirable fit aussi pour eux. Les ayant donc soignés par sa présence envoyée de Dieu et les ayant remplis d’allégresse spirituelle, grandement admiratif quant à lui de leur belle discipline et de leur noble comportement, ayant admiré leurs observances plus que les nôtres, il fut encore accompagné par l’abbé et par les frères en vue au monastère où il devait s’établir avec ses enfants. Il s’agissait du monastère de l’Archistratège, appelé Vallelucio. L’higoumène et les frères l’invitèrent, lui et toute la fraternité dirigée par lui, à revenir au grand monastère et de célébrer l’office en grec dans leur église, afin que, est-il dit, « Dieu soit tout en tous » (1 Co 15,28 ; Col 3,11). C’est cela même que le prophète aussi avait annoncé d’avance : « Le lion et le bœuf seront menés ensemble au pâturage et leurs petits seront ensemble (Is 11,6-7). »

La première visite de saint Nil et des siens se situe probablement en 980. On remarque le caractère liturgique solennel de l’accueil réservé au saint moine oriental [8]. Nil est reçu comme un authentique témoin du monachisme oriental et occidental (saints Antoine et Benoît), de la tradition commune. Le saint ascète est un vrai père spirituel, puisqu’il s’adapte à la condition de chacun des moines. Le rappel de la manne au désert (Ex 16 et Ps 77,24) renvoie à la relecture qu’en fait le livre de la Sagesse (Sg 16,20-29) [9]. Saint Nil a un charisme d’empathie humaine et spirituelle et peut offrir à chacun l’enseignement (la manne comme nourriture spirituelle) adapté [10]. L’hagiographe prend également soin de relever l’impression du moine oriental lors de sa visite aux moines latins : il est frappé par le « bon ordre » et par les « bonnes manières éduquées » des bénédictins [11]. L’abbé Aligerne et ses confrères invitent la communauté nilienne à revenir et à chanter en grec l’Office divin selon sa tradition liturgique. Les deux textes scripturaires invoqués sont importants, parce qu’ils donnent la clef de la seconde rencontre, qui scellera l’événement de communion donnée par l’Esprit Saint. La première citation vient de saint Paul parlant de l’homme nouveau créé en Christ : « Là, il n’y a plus Grec et Juif, circoncis et incirconcis, barbare, Scythe, esclave, homme libre, mais Christ : il est tout en tous » (Col 3,11). Elle affirme donc qu’au-delà des différences rituelles et des observances diverses, une unité de communion existe entre moines orientaux et latins.

La seconde citation constitue un montage de deux textes isaïens, Is 11,6-7 et Is 65,25 [12]. La perspective évoquée est celle de l’harmonie paradisiaque retrouvée. Peu importe maintenant qui est le bœuf et le lion (Aligerne ou Nil ?). Les disciples des deux pères spirituels se rencontrent auprès de l’unique berger, le Christ Jésus, et seront conduits par lui.

La seconde rencontre

La deuxième rencontre entre saint Nil et ses frères et la communauté du Mont-Cassin fait l’objet d’une relation beaucoup plus circonstanciée [13]. Elle aurait eu lieu en 984. Nil hésite fortement à accepter l’invitation, car « comment chanter le cantique du Seigneur sur une terre étrangère » ? (Ps 136,4). Il avait, en effet, plutôt que de s’établir à Constantinople ou dans les terres hellénophones de l’Empire, choisi la xeniteia en terre latine. S’il finit par accepter l’invitation, c’est en raison du réconfort que procure la foi commune partagée et de son désir de la gloire du Christ.

Saint Nil, afin de célébrer dignement la communion fraternelle, compose un office en l’honneur de saint Benoît de Nursie. Ses frères le chanteront en grec pendant la vigile dans l’église abbatiale du Mont-Cassin [14]. Saint Nil monte donc au monastère de l’abbé Aligerne avec 60 moines de sa communauté et y célèbre l’agrypnie [15]. À l’issue de cet office, Aligerne permet à ses frères de rencontrer saint Nil. Une véritable collatio monastique se développe, que l’hagiographe résume. Quatre sujets sont abordés. Nil répond aux questions des moines latins [16]. La première question porte sur l’œuvre du moine, nous dirions sa vocation spécifique ou son « identité ». Nous y reviendrons plus en détail. La deuxième question touche l’interprétation de quelques passages de l’Écriture sainte. La troisième question reprend une préoccupation présente déjà dans la Règle de saint Benoît : que faire lorsqu’on se voit enjoindre une obédience qui semble surpasser les forces (RB 68, Si fratri impossibilia iniungantur) ? La dernière demande touche à une question controversée entre grecs et latins, celle des jeûnes et des abstinences.

Saint Nil, disciple de saint Basile le Grand ?

Avant de lire et de commenter la définition que saint Nil donne du moine, il est nécessaire de revenir sur le rapport du saint moine byzantin avec la tradition ascétique basilienne.

L’estime de saint Nil pour saint Basile le Grand, que nous avons déjà noté, transparaît dans deux vers de l’office en l’honneur de saint Benoît : « Tu as exposé des règles pour les moines et de la sorte tu t’es révélé un autre Basile, avec lequel maintenant tu te réjouis et te tiens devant le Christ [17]. » Le Basile de saint Nil cependant n’était pas celui de la critique moderne. Nil considérait comme authentiques plusieurs œuvres ou « prologues » que nous savons ne pas pouvoir lui attribuer, comme nous le verrons dans la suite. L’exemple le plus évident est celui des Constitutions ascétiques [18]. Comme l’avait établi le P. Jean Gribomont dès 1953, malgré les doutes de certains sur leur authenticité, les Constitutions étaient entrées dans le corpus des écrits ascétiques basiliens [19]. Pour qui connaît la préférence marquée, sinon absolue, de Basile pour la vie en communauté fraternelle, la substance même des Constitutions étonne. Elles juxtaposent en effet l’ascèse solitaire et la vie cénobitique [20]. Et cela reflétait certainement l’état de fait du monachisme byzantin en général au Xe siècle. Cela reflétait tout autant l’expérience personnelle de saint Nil le Jeune. Les Constitutions attribuées à saint Basile permettaient donc d’invoquer en la matière l’autorité incontestée du docteur cappadocien. Le paradoxe se renforce si on considère que le grand défenseur de l’authenticité des Constitutions n’était autre que l’intransigeant réformateur cénobitique, saint Théodore Stoudite (759-826), autre autorité incontestée aux yeux de saint Nil. Un scholion de la plume de Théodore défend vigoureusement l’authenticité basilienne des Constitutions [21]. Nous découvrirons dans la suite que la « définition » du moine comme « ange » proposée par notre saint s’inspire à la fois des œuvres authentiques de saint Basile le Grand et des œuvres que les traditions stoudite et italo-grecque lui attribuaient.

Le récit du colloque monastique

Une fois achevé l’office, tous les moines s’assemblèrent auprès de lui avec la permission de leur abbé (car ils maintiennent leur belle discipline jusqu’à ce point). Remplis d’admiration à la vue du rayonnement de l’Esprit émanant de sa figure, ils aspiraient impatiemment d’entendre aussi les paroles de sa bouche. Ils lui posèrent alors de nombreuses questions. Ils dirent : « Dis-nous, père saint, quelle est l’œuvre du moine et comment obtiendrons-nous miséricorde ? » Le bienheureux alors ouvrit la bouche (Mt 5,2) et répondit en latin : « Le moine est un ange, et son œuvre est miséricorde, paix, sacrifice de louange. Car de même que les saints anges offrent continuellement à Dieu un sacrifice de louange, maintiennent entre eux la paix avec amour, et exercent la miséricorde envers les hommes et les aident comme des frères plus jeunes, de même le vrai moine doit lui aussi faire preuve de miséricorde envers les frères les plus simples et étrangers, aimer dans la paix les frères de même rang sans envier les progressants ; il doit de plus garder une foi sincère et mettre son espérance en Dieu et en son père spirituel. Celui qui possède ces trois choses mène sur terre une vie angélique. Mais le moine qui possède les contraires, à savoir l’incrédulité, la haine et la dureté de cœur devient un repaire de tous les maux et se montre manifestement un démon. Car du moment qu’on s’engage dans la vie monastique, on n’est plus un homme, mais de deux choses l’une : on se montrera ou un ange ou un démon. Mais à votre sujet je suis convaincu, frères, que vous possédez le meilleur, la part du salut » (Hé 6,9).

Quelques observations s’imposent.

La vie des moines était depuis longtemps assimilée à celle des anges. Leur conduite de vie dans le célibat consacré, sans s’impliquer dans les multiples soucis terrestres, dédiée à la glorification de Dieu et tendue vers le retour du Christ ressuscité, faisait qu’on appliquait volontiers aux moines et moniales la parole de Jésus : « Ceux qui auront été jugés dignes d’avoir part à l’autre monde et à la résurrection des morts ne prennent ni femme ni mari ; aussi bien ne peuvent-ils non plus mourir, car ils sont pareils aux anges, et ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection » (Lc 20,33-36). Ils anticipaient l’état eschatologique des bienheureux, louange et adoration incessantes de Dieu et amour unifié (virginal) de Dieu et d’autrui. Le thème est présent dès l’Antiquité chrétienne et a été amplement étudié. Le commentaire que donne saint Nil de Rossano de sa définition du moine comme un ange montre clairement qu’il se réfère à cette tradition plus équilibrée, sans renier la dimension du célibat consacré et du « sacrifice de louange ». L’office liturgique que moines grecs et latins venaient de célébrer dans l’église du Mont-Cassin l’illustre suffisamment.

Une deuxième observation est également importante. « L’œuvre du moine est miséricorde, paix, sacrifice de louange. » « Miséricorde, paix, sacrifice de louange » constituent la réponse du peuple quand s’ouvre l’anaphore de la Divine Liturgie eucharistique à l’invitation du diacre : « Tenons-nous bien, tenons-nous debout avec crainte ! Soyons attentifs à offrir en paix la sainte oblation. » La réponse actuellement en usage a transformé la réponse du peuple des fidèles en « miséricorde de paix, sacrifice de louange ». Saint Nil suggère, en citant ce texte liturgique, que l’œuvre du moine s’enracine dans l’œuvre de salut du Christ Jésus, à laquelle nous participons et communions dans la célébration de la Divine Liturgie. L’anaphore eucharistique est le signe efficace de la miséricorde de Dieu offerte aux hommes dans la passion et résurrection du Christ, elle est le signe efficace de la paix donnée par le Christ ressuscité, elle est le signe efficace du sacrifice de louange (Ps 49,14) offert par le Fils, et par nous en lui, à Dieu Père. La vocation du moine est de prolonger la louange incessante des anges, de vivre la paix et l’amour à l’instar des anges, sans envie (phthonos), et d’imiter leur miséricorde.

Tout cela n’est pas sans rappeler le magnifique portrait de l’ascète que dessine saint Basile dans le dernier chapitre de ses Règles morales. Volonté d’enraciner donc l’ascétisme chrétien dans la Parole de Dieu et les sacrements [22].

Le moine ange… ou démon

À une première lecture des explications de saint Nil un contraste aussi violent étonne. Le mauvais moine, en proie à l’incrédulité, à la haine et à la dureté de cœur, devient un autre démon. Sur ce point, saint Nil entend s’inscrire dans une tradition biblique et patristique, qui avait trouvé pour lui en saint Basile de Césarée une expression privilégiée.

Un passage du Prologue V, inauthentique, mais faisant partie à ses yeux de l’Ascéticon basilien, est on ne peut plus explicite [23].

Il faut donc rejeter de la communauté, au même titre, les conflits – cela ne convient pas – et les affections particulières. En effet, des conflits vient la haine, et des amitiés particulières et des clans viennent les soupçons et les jalousies (phthonoi). Partout l’absence d’égalité est origine et cause de jalousie et d’hostilité chez ceux qui sont lésés. C’est pourquoi encore le Seigneur nous a ordonné d’imiter la bonté de celui qui fait lever le soleil sur les justes et les injustes (cf. Mt 5,45). Donc, comme Dieu accorde à tous une semblable participation à la lumière, que les imitateurs de Dieu répandent sur tous le rayon commun et égal de la charité. Où manque la charité, la haine forcément prend la place. Et si, comme le dit Jean, Dieu est amour (1 Jn 4,8.16), il s’ensuit nécessairement que le diable est la haine. De même que celui qui possède la charité possède Dieu, de même celui qui a de la haine entretient en lui le diable…

La communauté fraternelle doit être empreinte d’une égale charité pour tous et chacun ; sans quoi elle est divisée et la haine mutuelle la change en enfer.

Saint Basile avait quant à lui consacré une homélie à l’envie (phthonos : la jalousie méchante). En ouverture de cette homélie, le Cappadocien évoque l’envie du diable en se référant au livre de la Sagesse 2,24 : « Mais par l’envie du diable, la mort est entrée dans le monde. Ils l’expérimentent ceux qui se rangent dans son parti. »

Dans une autre homélie encore nous retrouvons un ample développement sur l’envie du démon. L’envie (phthonos) est la passion propre du diable [24]. Le démon, ange déchu, a jalousé l’honneur accordé par Dieu à l’homme, puisqu’il le façonne de ses propres mains, alors qu’il avait créé les autres créatures par sa seule parole. L’homme a été créé pour glorifier Dieu. Ne pouvant faire directement la guerre à Dieu, Satan s’en est pris à l’homme. « N’étant pas en mesure de défaire Dieu, lorsqu’il vit que l’homme était à l’image et à la ressemblance de Dieu, il dirigea sa méchanceté contre l’image de Dieu [25]. »

Saint Nil de Rossano était un bon connaisseur des Pères. Il suffira de rappeler que déjà saint Antoine le Grand avait exposé dans son premier discours aux moines cette même doctrine :

Eux [ i.e. les démons] aussi furent créés bons, mais, déchus de la sagesse céleste, rôdant désormais autour de la terre, ils ont égaré les païens par leurs apparitions mensongères. Contre nous, les chrétiens, parce qu’ils nous envient [ phthonountes], ils remuent tout, voulant nous barrer le chemin qui monte au ciel, pour que nous ne montions pas là d’où ils sont déchus.

Nous trouvons des développements semblables chez saint Grégoire de Nazianze [26] et chez saint Grégoire de Nysse [27]. Le diable est foncièrement envieux de l’homme. Nous trouvons de plus un écho de cette doctrine sous la plume de l’hagiographe de saint Nil :

De tout cela convainc l’amour ardent de cet homme pour Dieu, son humilité sublime, ses nombreux jeûnes, veilles, métanies et ses innombrables mortifications. Non seulement, mais encore ses terribles tentations et combats spirituels et visibles, les maladies du corps ; les esprits mauvais les lui infligeaient férocement, parce qu’il montait là vers la hauteur, d’où eux ils étaient descendus.

Le moine, ange de communion

Il nous reste à découvrir comment le moine, pourra devenir selon saint Nil un ange en faisant œuvre de miséricorde et de paix. De nouveau les Constitutions ascétiques et les œuvres des Pères cappadociens nous éclaireront. L’auteur (ou le compilateur ?) des Constitutions s’adresse dans la seconde moitié de son écrit aux moines cénobites (chap. 18-34).

Cette section s’ouvre par l’exorde suivant :

Le plus grand nombre cependant des ascètes milite regroupés dans des communautés ; ils affichent mutuellement leur propos de vertu, et par émulation s’entraînent les uns les autres à progresser vers le bien. Aussi avons-nous estimé qu’il convenait de les exhorter eux aussi par nos discours.

De fait, le chapitre 18 constitue un éloge de la vie cénobitique. Il convient, en effet, que les moines qui vivent dans des communautés fraternelles prennent conscience de la beauté de leur genre de vie. L’argumentation se construit en quatre mouvements complémentaires. Tout d’abord la vie de communauté (koinōnía) recouvre la nature authentique de l’être humain. Ils reviennent donc d’abord au bien conforme à la nature en embrassant la « koinōnía » et la vie en commun.

Car j’appelle communion [ koinōnía] très parfaite de vie celle d’où se trouve bannie toute propriété privée, chassé tout désaccord de propos, éloignés toute sorte de trouble, de disputes, de querelles. Mais tout absolument y est commun, les âmes, les propos, les corps, tout ce qui nourrit et soigne les corps. Dieu leur est commun, commune la recherche de la piété, commun le salut, communs les combats, communes les fatigues, communes les couronnes. Le grand nombre est un sans que l’un ne soit esseulé, mais il est présent dans plusieurs.

L’auteur poursuit son éloge de la vie cénobitique en relevant que des hommes issus de races et de pays différents vivent dans une harmonie parfaite, n’ayant qu’une seule âme en beaucoup de corps, se servant et s’encourageant mutuellement. L’amour et la liberté régissent leur communion. Et il conclut :

C’est ainsi que Dieu nous a voulus depuis le commencement et c’est pour cela qu’il nous a créés. Ces hommes en couvrant la faute du premier Adam font refleurir la beauté primordiale. Car il n’y aurait parmi les hommes ni division, ni inimitié, ni guerre, si le péché n’avait pas divisé notre nature.

Nous sommes en présence d’une description idyllique de la communauté monastique cénobitique. Elle rejoint certes les convictions que saint Basile lui-même avait voulu inculquer aux fraternités ascétiques. Deux traits cependant attirent l’attention. L’argument n’est pas directement étayé par des références à l’Écriture sainte, comme Basile ne manquait pas de le faire. L’insistance ensuite sur l’absence de conflits de tout genre au sein de la communauté reviendra encore dans les développements ultérieurs de ce chapitre et met en relief une préoccupation particulièrement significative.

Le deuxième mouvement de l’éloge poursuit en posant que les ascètes vivant en communauté imitent le Seigneur et le groupe des apôtres qui l’accompagnait [28].

Vient en troisième lieu l’argument auquel saint Nil de Grottaferrata fera écho en explicitant sa définition du moine comme « ange de communion ».

Ils sont des émules de la vie des anges puisqu’ils maintiennent comme eux avec un soin rigoureux la vie de communion. Il n’existe chez les anges ni querelles, ni disputes, ni contestations : chacun possède les biens de tous et tous disposent intégralement de ces biens pour eux-mêmes. Car la richesse des anges ne consiste pas en biens matériels limités, qui auraient besoin d’être divisés lorsqu’il faudrait les attribuer à plusieurs. La possession est immatérielle, la richesse est celle de l’esprit. Pour cette raison les biens qui restent intégralement de chacun les rendent tous également riches et en assurent la possession à chacun sans contestation ni dispute. La contemplation, en effet, du Bien suprême et la très claire compréhension des vertus sont le trésor des anges, chacun recevant la connaissance intégrale et la possession des biens qu’il leur est permis à tous de contempler.

Ici encore l’insistance sur l’absence de conflits frappe.

Nous rencontrons une affirmation semblable dans la Grande Lettre attribuée à Macaire l’Égyptien :

Voilà vraiment la vie angélique sur la terre ; voilà ce qui accomplit « que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » (Mt 6,10), lorsque nous ne nous opposons pas les uns aux autres, lorsque sans jalousie et envie, avec simplicité, charité, paix et joie, nous vivons dans la concorde mutuelle et que nous considérons le progrès du prochain comme un gain pour nous et retenons la faiblesse ou la défaite ou la peine du prochain comme un détriment pour nous.

Le contexte semble cependant différent. Dans les textes « macariens », il s’agit de maintenir la concorde fraternelle entre ascètes qui se consacrent les uns à une vie contemplative de prière et les autres aux diaconies communautaires. On ne trouve aucune trace de cette distinction dans les Constitutions ascétiques. Les œuvres authentiques de Basile, l’Ascéticon en particulier, valorisent les différents charismes dans les communautés ascétiques, mais ignorent délibérément la distinction entre ascètes « contemplatifs » et ascètes « actifs ». Le rapprochement cependant soulève la question des rapports entre « la mouvance pré-messalisme ou messalienne » de l’ascétisme issu de la réforme basilienne et un écrit comme les Constitutions ascétiques. Saint Nil ne se posait pas la question.

Saint Théodore Stoudite (759-826) a fait sienne cette même conception de la vie monastique comme « vie angélique [29] ». En quoi le moine est-il l’émule des anges ? « Le premier rôle de l’ange, celui qui le définit, n’est pas de contempler, mais de servir. » Le moine imite les anges en servant, en faisant la volonté de Dieu. « Il est pourtant un point qui rend la vie cénobitique proche de la vie angélique, c’est la concorde et la fraternité qui règnent dans la communauté [30]. » Saint Théodore se souvient certainement des Constitutions ascétiques.

Enfin, quatrième mouvement de l’argumentation : les cénobites vivent déjà par anticipation le régime du Royaume des cieux. « Ils ravissent dès maintenant les biens du Royaume promis, puisque leur conduite de vie vertueuse et leur communion [ koinōnía] imitent de très près la vie et la condition de là-bas [31]. »

La conclusion alors revient au premier mouvement de l’argumentation, le retour à la nature authentique de l’être humain. Mais ce « selon la nature » est maintenant situé dans l’économie du salut.

Ils ont clairement montré au genre humain, dans la mesure de leurs possibilités, quels biens nous a procurés l’incarnation du Sauveur, en réconciliant de nouveau avec elle-même et avec Dieu, la nature humaine déchirée et brisée en mille morceaux. Car le but principal de l’économie selon la chair du Sauveur était de réconcilier la nature humaine avec elle-même et avec lui, et en abolissant la division funeste, de rétablir l’unité primordiale…

Ici encore l’auteur adhère à l’enseignement de saint Basile le Grand, écho de saint Paul et de l’ensemble de la tradition patristique et ascétique grecque. « Le monde est cassé, Adam disloqué ; en se brisant, il a rempli de ses débris tout l’univers. Mais la miséricorde de Dieu a rassemblé partout les fragments, il les a fondus au feu de sa tendresse, il a reconstitué l’unité brisée [32]. » Dans une envolée très oratoire, l’auteur avoue enfin que faire l’éloge de cette vie communautaire dépasse ses forces. L’harmonie fraternelle dépend à ses yeux intrinsèquement du « père » de pareilles fraternités, de son exemple et de son enseignement [33]. Ce n’est qu’en partie le modèle proposé par saint Basile dans son Ascéticon [34]. Mais l’auteur rejoint sur ce point le modèle proposé par saint Grégoire de Nysse dans son Traité de la virginité, lorsqu’il présente son frère Basile sans le nommer, comme le didascale par excellence des fraternités ascétiques [35]. L’auteur rappelle en finale « la chaleureuse symphonie » des frères Maccabées et le Psaume 132,1 : « Vois, qu’y a-t-il de beau, qu’y a-t-il d’agréable, sinon d’habiter en frères ensemble ? » Et il commente : « Le mot “beau” exprime la valeur éprouvée de cette vie, le mot “agréable” la joie de la concorde et de l’union [36]. »

Conclusion

« Le moine est un ange et son œuvre est miséricorde, paix, sacrifice de louange. » La définition que saint Nil le Jeune donne du moine lors de son colloque avec les moines latins du Mont-Cassin fait écho à une tradition longue. Nous avons cherché à en expliciter les harmoniques.

Cette définition était un programme. Certes, le saint moine byzantin s’adressait à des cénobites, à une acies fraterna (RB 1, 5) qu’il avait sous les yeux. Mais il s’adressait aussi à ses propres disciples spirituels. Ce faisant il fit, nous semble-t-il, un authentique discernement des traditions monastiques qu’il connaissait. Le moine est un veilleur par sa louange et sa prière. Mais sa vocation est tout autant de devenir au sein de l’Église et de l’humanité un ange de la communion reçue de Dieu.

[1L’édition critique de la Vie grecque a été publiée par le P. Germano Giovanelli à Grottaferrata en 1972. La citation se trouve dans la Vie au paragraphe 74 (p. 114).

[2La littérature sur la Vita est abondante, en italien surtout. Il suffira ici de renvoyer, avec les bibliographies antérieures qui s’y rapportent, à S. Parenti, Il monastero di Grottaferrata nel medioevo (1004-1462). Segni e percorsi di una identità (OCA 274), Rome, 2005 ; Atti del Congresso Internazionale su S. Nilo di Rossano. 28 settembre – 1 ottobre 1986, Rossano – Grottaferrata 1989 ; Il monachesimo d’Oriente e d’Occidente nel passaggio dal primo al secondo millennio (AK 6), Grottaferrata, 2009. Signalons en particulier la synthèse du P. Matteo (Kryptoferritis) « La Vita Nili : uno speculum monachorum dell’XI secolo », 56-93. On trouve une synthèse utile de l’itinéraire monastique de saint Nil de Rossano à Grottaferrata dans : F. Zagari, Dalla villa al monastero : nuovi dati archeologici da S. Maria di Grottaferrata, Oxford, 2014.

[3Vita Nili 44, p. 88. Notons ce qui caractérise aux yeux de saint Nil la vie hésychaste : la contemplation spirituelle et l’œuvre secrète intérieure. L’« œuvre secrète intérieure », désigne selon la tradition monastique antérieure la prière continuelle, comme le suggère un apophtegme de saint Arsène : « Avec toutes tes forces lutte pour que ton œuvre intérieure soit selon Dieu, et tu vaincras les passions » (Arsène 9 ; PG 65, 89 B-C). Cf. aussi Silvain 4 (PG 65, 409 B) et la lettre 119 de Barsanuphe et Jean de Gaza I, 2 (SC 427), Paris 1988, pp. 450-455.

[4Le parcours monastique de l’hésychaste et cénobiarque saint Nil est exemplaire de la floraison du monachisme italo-byzantin du IXe au XIIe siècle. On trouve une synthèse magistrale de l’épopée de ces moines sous la plume d’Enrico Morini, « Greek Monasticism in Southern Italy. The Encounter between East and West », dans Monastic Tradition in Eastern Christianity and the Outside World, éd. I. Angeli Murzaku, Louvain, 2013, pp. 69-101. Il caractérise le monachisme de saint Nil comme une sorte d’« érémitisme communautaire » (p. 80).

[5Vita Nili 75, pp. 114-115.

[6Vita Nili 73-78, pp. 112-117. Le départ de Valleluce est décrit aux §§ 86-87, pp. 123-125. L’étude de J.-M. Sansterre reste fondamentale et nous y renvoyons, puisque nous essaierons de n’illustrer que quelques aspects de ces rencontres : « Saint Nil de Rossano et le monachisme latin », dans Miscellanea di Studi in onore di P. Marco Petta…, Grottaferrata, 2000, pp. 339-386.

[7J.-M. Sansterre, « Saint Nil de Rossano et le monachisme latin », pp. 342-343. Ce fut le P. Olivier Rousseau du monastère de Chevetogne qui le premier a éveillé mon intérêt pour cette rencontre et pour l’office composé par saint Nil en l’honneur de saint Benoît. « La visite de Nil de Rossano au Mont-Cassin », dans La Chiesa greca in Italia dall’VIII al XVI secolo, Atti del Convegno Storico Interecclesiale (Bari, 30 apr. – 4 magg. 1969), III (Italia Sacra 22), Padoue, 1973, pp. 1111-1137. J’ai tenté d’en dégager les implications monastiques œcuméniques dans le volume publié en hommage à Enzo Bianchi, La sapienza del cuore. La vita monastica come via ecumenica, Turin, 2013, pp. 101-109.

[8Voir Regula Benedicti 53, 1-4 ; « Omnes supervenientes hospites tamquam Christus suscipiantur… Ut ergo nuntiatus fuerit hospis, occuratur ei a priore vel a fratribus cum omni officio caritatis ; et primus orent pariter, et sic sibi socientur in pace. »

[9« Tout au contraire, tu as donné à ton peuple une nourriture d’anges ; inlassablement, tu lui as envoyé du ciel un pain tout préparé, capable de procurer toutes les délices et de satisfaire tous les goûts… »

[10Cf. Dorothée de Gaza, Instructions, VII 84, SC 92, Paris, 1963, pp. 294-297.

[11« Bon ordre », eutaxia, mot et chose chers à saint Basile, et plus tard à saint Théodore Stoudite.

[12Is 11, 6-7 (LXX), « Le bœuf et l’ours seront conduits ensemble au pâturage, et leurs petits seront ensemble, et le lion et le bœuf mangeront ensemble de la paille. »

[13Vita Nili, 74-78, pp. 113-117.

[14Le texte grec a été édité par le P. Sofronio Gassisi, Poesie di San Nilo Juniore e di Paolo Monaco, Abbazia di Grottaferrata, Rome, 1906, pp. 41-52. Traduction française du P. O. Rousseau, cf. supra n. 9.

[15Une « agrypnie » est un office qui dure toute la nuit, au cours de laquelle on ne dort pas.

[16Cf. J.-M. Sansterre, « Saint Nil de Rossano et le monachisme latin », cf. supra n. 8.

[17O. c., p. 49, versets 335-337. Éloge appuyé puisque la Vita B de Théodore Stoudite le qualifie d’un « autre Basile » (PG 99, 236 A).

[18PG 31, 1321-1428 ; CPG 2895 ; P. J. Fedwick, Bibliotheca Basiliana Universalis III, Turnhout, 1997, pp. 736-742. On en trouve une traduction française et une bonne présentation chez J.-M. Baguenard, Dans la tradition basilienne. Les Constitutions ascétiques, l’Admonition à un fils spirituel et autres écrits, Bellefontaine, 1994.

[19J. Gribomont, Histoire du texte des Ascétiques de S. Basile, Bibliothèque du « Muséon », 32, Louvain, 1953. La recension « nilienne » du corpus remonte au IXe siècle et est propre aux milieux monastiques italo-byzantins (ibid., pp. 46-52 et 222-226).

[20Il n’est pas certain que le Cappadocien ait exclu totalement certaines formes de vie solitaire : M. Van Parys, « Communion et solitude selon saint Basile de Césarée », dans Irénikon 84, 2011, pp. 5-32.

[21PG 31, 1329-1320 et PG 99, 1685-1688. Traduction française par J.-M. Baguenard, op. cit., pp. 77-78.

[22Moralia, 80, PG 31, 860 B-869 C.

[23Prologue V : PG 31, 881 B-888 D. Traduit en français par J.-M. Baguenard, Dans la tradition basilienne. Les Constitutions ascétiques, l’Admonition à un fils spirituel et autres écrits, Bellefontaine, 1994, pp. 45-56. Présentation, pp. 41-44.

[24Hom. In Lakizois, PG 31, 1437-1457. En particulier les §§ 8 et 9.

[25Ibid., 9.

[26Or. 36, 3-5 ; PG 36, 269D-276A.

[27Vie de Moïse, II, 256-264 (SC 1ter), Paris, 1968, pp. 282-287.

[28Const. asc., 18, 2 ; PG 31, 1384 B.

[29Voir J. Leroy, « Saint Théodore Studite », dans Théologie de la vie monastique. Études sur la tradition patristique, Paris 1961, pp. 429-430 (pp. 423-436).

[30Ibid. Le P. Julien Leroy cite en note un extrait d’une catéchèse de Théodore : « Vous vivez comme des anges, car il y a parmi vous la paix et la charité, comme parmi les anges ; une seule âme, une seule volonté… » (Grande Catéchèse, II 48, p. 348 ; Papadopoulos-Kerameus, Saint-Pétersbourg, 1904).

[31Const. asc., 18, 3 ; PG 31, 1384 D-1385 A.

[32Saint Basile, Sur le baptême, I 2, 7 ; PG 31, 1537 A.

[33Const. asc., 18, 4 ; PG 31, 1385 B-C.

[34Regulae fus., 43 ; PG 31, 1528 A-1529 B.

[35Traité de la Virginité, XXIII 6, SC 119, Paris, 1966, pp. 545-553, avec la riche annotation de M. Aubineau.

[36Const. asc., 18, 4 ; PG 31, 1385 D.

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