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Catherine de Sienne, Lettres aux religieux et aux prêtres

Chantal van der Plancke

N°2017-3 Juillet 2017

| P. 73-76 |

Chronique - À propos de... Chronique

La Présidente des Amitiés Catherine de Sienne évoque, avec le dernier volume de la nouvelle traduction française des Lettres de Catherine Benincasa, ces Caterinati religieux, prêtres ou ermites, familiers de la grande « mystique du corps mystique », comme l’appelait Paul VI en la proclamant, en 1970, docteur de l’Église.

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Catherine de Sienne Tome VII, Lettres aux religieux et aux prêtres

Coll. Sagesses chrétiennes, Paris, Cerf, 2016, 246 p., 18 €

● Le septième et dernier volume de la correspondance de Catherine de Sienne [1], contient principalement les lettres au frère Raymond de Capoue, son père spirituel et « fils ». Après la mort de la sainte, le frère fut élu Maître de l’Ordre des Prêcheurs et, durant des années, il réalisa la réforme de l’Ordre qu’elle avait appelée de ses vœux.

Outre la belle traduction de Marilène Raiola, on appréciera à nouveau les brèves introductions de Umberto Meattini aux deux recueils ici réunis : Aux religieux et aux ermites et Aux prêtres du clergé séculier.

Commençons par la fin. Une petite dizaine de lettres (retrouvées) concerne des prêtres de terrain, éprouvés « sur le champ de bataille » de la vie spirituelle et « sur la mer tempétueuse » des événements qui affectent l’Église. Telle une belle inclusion, ce dernier petit recueil complète le Tome I réunissant les Lettres aux papes, aux cardinaux et aux évêques, hautement impliqués dans la réforme et les « affaires » de l’Église. Parmi les adresses ou réponses à ces modestes pasteurs, on lira avec délices, celle à Dom Robert (p. 235-237).

Catherine désire chaleureusement voir ce prêtre « uni et transformé » dans le feu de la charité « qui a uni Dieu à l’homme » et l’a tenu « attaché et cloué au bois de la croix ». Marie fut ce doux champ où fut semée la semence du Verbe « uni à sa chair ». Elle nous a donné la fleur et celle-ci a porté du fruit sur l’arbre de la croix. Marie était si unie à son Fils que s’Il « n’avait pu monter sur la Croix, elle lui aurait servi elle-même d’échelle, car la volonté du Fils [de nous réunir avec son Père] était restée en elle ». Catherine invite Dom Robert à se laisser gagner par « cette douce affection de Marie, cherchant toujours l’honneur de Dieu et le salut des âmes ». Elle l’encourage à se nourrir des âmes et à « les enfanter devant Dieu ». Reprenant le vocabulaire de la chevalerie, elle l’incite à se saisir du glaive... de la divine bonté pour flageller le démon !

Le recueil des lettres aux religieux complète le Tome VI, qui était réservé aux Lettres aux moniales et aux moines. Il réunit des lettres que Raymond de Capoue a pu conserver. Seize lettres (seulement), qui représentent tout de même une soixantaine de pages. À elles seules, elles mériteraient toute une étude, car elles sont riches d’informations circonstancielles et de conseils spirituels, très incarnés dans une conjoncture ecclésiale et politique difficile. Un témoignage remarquable de cette amitié réciproque, pétrie d’amour de l’Église, à la fois tendre et vigoureuse, qui fait les saints. Une des lettres célèbres que Catherine écrivit au père de son âme relate la mort d’un condamné qu’elle avait accompagné dans sa prison et jusqu’à son lieu d’exécution. Puis viennent huit lettres au Frère Barthélemy Dominici, également confesseur de la sainte. Lié aux couvents dominicains de Pise, de Florence puis de Sienne, il accompagna Catherine à Avignon, puis à Rome où il deviendra provincial. Parmi les quelques écrits à d’autres dominicains, on s’étonne de ne pas retrouver plus de lettres à ses autres confesseurs et « fils », Thomas della Fonte et Caffarini. Enfin, apparaissent deux lettres à des franciscains, rescapées de l’oubli, dans le tourbillon de la mouvance apostolique.

Le plus touchant, c’est d’entrer, comme dans les grottes des moines du désert d’Égypte, dans les lettres que des ermites de la forêt du Lac (près de Sienne), du Campo Santo (à Pise) et des environs de Florence, ont pieusement conservées, tels des écureuils veillant sur leurs noisettes. Qu’est-ce qu’ils ont dû les grignoter ! Ces lettres ont dû passer d’une grotte à l’autre, tels des miroirs de la connaissance de soi « en Dieu ».

Les conseils sont toujours les mêmes, mais ciselés sur mesure selon l’état d’âme du destinataire. Chacun espérait trouver une réponse à sa soif, un éclairage dans sa nuit, une main tendue dans ses combats, une arme efficace contre le tentateur et un encouragement qui le relève. Mais plus d’un ont dû être surpris d’être débusqués dans leur errance et leurs caprices sous couvert de zèle spirituel : ceux qui s’efforcent de vaincre leur corps plutôt que leur volonté propre, qui s’illusionnent sur leurs performances et tombent dans l’orgueil ; ceux qui se laissent abuser par l’Ennemi et donnent des leçons au Saint-Esprit, qui trafiquent l’obéissance et jugent leur maître incompétent ; ceux qui soignent leurs brebis avec de la pommade plutôt qu’avec le tranchant du couteau ; ceux qui dorment et ceux qui devraient trouver leur repos dans le Christ se donnant à eux sur la Croix. Tous, pour qu’ils aiment de manière « plus ordonnée ».

Âmes médiocres, s’abstenir ! C’est sur le chemin de la perfection, et non de la demi-mesure, que Catherine mène les âmes. Car le Christ ne nous a pas aimés à moitié. C’est en comparant l’incomparable, l’amour infini de Dieu et le nôtre, qu’elle nous arrache, de main ferme et tendre, à la mesquinerie. Elle nous revigore en nous envoyant au bain baptismal (le Sang qui lave) et à la table de la sainte Croix. Là, comme à la Cène, le Christ communique « le feu du saint désir », allume en nous son Désir pour que celui-ci fusionne avec le nôtre, dans une purification rayonnante. Pour l’honneur de Dieu et pour le salut de tous.

Dans ce sillage et au fil des pages, on voit mûrir des Bienheureux, nommés Raymond (de Capoue), Jean (Tantucci), Antoine (de Nice), Nicolas (de Montalcino)... Pécheurs, ils ont laissé un parfum de sainteté. Cette sainteté qui a aussi forgé Catherine. Puisse-t-elle forger la nôtre.

[1Pour la recension des six premiers volumes, voir du même auteur dans Vies consacrées 88 (2016/2), p. 69-74.

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